Laponie suédoise 2012

130 km en raquettes, sur la Kungsleden – mars 2012

Quelques mots sur la Kungsleden

En suédois, puisque c’est en Suède que nous nous situons, cela signifie « voie royale ». La Kungsleden est à la Suède ce que le GR20 est à la Corse. Il s’agit d’un circuit de randonnée long de 440 km au nord du cercle polaire arctique.

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Sa création remonte à la fin du XIXème siècle par la STF (association suédoise de tourisme), qui avait pour objectif de rendre accessible la Laponie et ses paysages magnifiques. Le point de départ de la Kungsleden se situe à Abisko. Le circuit est parfaitement balisé, j’ai pu le constater l’hiver dernier en parcourant quelques kilomètres autour de l’auberge de jeunesse.

Traversant une immense zone sauvage, le sentier est bien équipé. Des refuges ont été construits tous les 15-20 km, et sont exploités par la STF. La Kungsleden est divisée en 4 parties. Celle située plus au nord, entre Abisko et Nikkaluokta, est la plus fréquentée. Elle passe notamment au pied du Kebnekaise, le toit de la Suède (2111m). Ce sommet tient son nom du Same (langue Lapone) qui signifie « rebord du chaudron ».

Nombre de randonneurs découvrent les paysages lapons l’été lorsque le soleil ne se couche pas. D’autres choisissent l’hiver, traversant cette nature entièrement recouverte de neige. On peut alors y observer les aurores boréales, les nuits où la nature veut bien nous offrir ce spectacle indescriptible.

A cette saison – c’est celle qui m’intéresse – le climat est variable. Un beau temps sec avec des températures proches du 0°C, ou alors un blizzard par -30°C. Autant dire qu’il ne faut pas se lancer dans l’aventure à poil, puisqu’il n’est jamais totalement garanti de gagner un refuge avant l’arrivée du mauvais temps.

 

Le projet

Une fois de plus, l’envie d’aller traîner au-delà du cercle polaire me reprend, comme une sorte de drogue dont je deviens accro. L’envie de retourner voir les aurores boréales est plus forte que tout. Alors chaque mois, j’économise quelques euros pour m’offrir ce voyage et aller au bout de mes rêves. Je veux donc retourner dans ce Grand Nord. La Suède. La Laponie. L’hiver dernier, j’ai adoré le petit village d’Abisko, où j’étais sédentaire à l’auberge de jeunesse durant les 5 jours de mon voyage. 2 nuits seulement m’ont offert ce ballet magique et cependant inoubliable. Cette fois, j’en veux plus. Deux semaines ! Et plutôt que de tourner autour d’Abisko, dont, il faut bien le reconnaître, le tour est vite fait, je vais parcourir la légendaire Kungsleden, entre Abisko et Nikkaluokta.

Ce voyage, qui combine plaisir et sport, permet aussi d’appréhender les techniques d’adaptation en environnement « hostile ». Dans mon idée d’aller toujours plus au nord, ce voyage initiatique me sera certainement très utile pour d’autres aventures à venir… J’ai toujours en tête de découvrir le Svalbard et le Groënland.

10 – 24 mars 2012. Les billets d’avion sont déjà réservés. Pour le mode de déplacement, j’opte pour les raquettes et sac à dos. Généralement, les randonneurs utilisent plutôt les skis nordiques et la pulka (traîneau attaché à la taille).

Pourquoi faire le choix des raquettes ? J’aime marcher, et je n’ai jamais pratiqué le ski nordique. Donc l’idée de départ était de faire le parcours à pied, histoire de ne pas me blesser avec les skis. Donc le choix des raquettes s’est présenté très naturellement. Pour le portage, plus ma liste des choses à emporter s’allonge et plus je pense qu’il serait judicieux de trouver une pulka à louer sur place. Tirer les bagages est moins fatigant que de les porter. Et puis, cela me permettrait d’emporter davantage de nourriture, évitant ainsi d’avoir à me ravitailler dans les refuges, aux prix élevés et dont je ne connais pas l’achalandage.

Températures relevées en mars, ces 5 dernières années
par le centre météorologique de Kiruna :

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Le parcours

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Départ d’Abisko, une centaine de kilomètres à travers la Laponie en direction du sud, pour arriver à Nikkaluokta, après être passé au pied du Kebnekaise, massif de 2111m d’altitude, point culminant de la Suède. Je ne sais pas encore si je ferai l’ascension (je ne suis pas un montagnard).

Les refuges sont espacés de 15-20 km selon les étapes. Ces distances sont facilement réalisables en ski nordique. En revanche, en raquettes, c’est probablement plus difficile. Je prévois, de toute façon, davantage de jours de marche que le parcours en demande habituellement.

J’utiliserai les refuges qu’occasionnellement, histoire de prendre une douche de temps en temps, recharger les batteries de l’appareil photo, et en cas de gros temps. Sinon, je dormirai sous la tente.

 

Le Matériel

Il mevoyagezrando faut maintenant m’équiper : tente, sac de couchage, raquettes… et m’entraîner. Natation et randonnée sont au programme.

Quelques amis ont commencé à me donner des conseils, Annette et Pascal qui vivent à Kiruna, François qui a fait ce trek en ski-pulka l’hiver dernier, et Michel de « la-rando.com » et familier des régions polaires. Merci à eux. Le magazine « voyagez rando » de décembre donne de bons conseils et publie un article très intéressant sur la randonnée hivernale (choix du matériels, conseils divers…).

Concernant le matériel, pour l’instant, mes choix se portent sur les produits suivants (non encore achetés) :

  • Tente : Ferrino « Pumori 2 »
  • Sac de couchage : Warmth « Pure 1000 « 
  • Raquettes : TSL « 325 Escape Easy » ?
  • Doudoune : RAB Summit Jacket
  • Divers (polaire, sous-vêtements, chaussons grand froid, guêtres, crampons, bouteille thermo, alimentation).

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Face au budget qui s’avère élevé pour m’équiper correctement, j’ai réalisé un dossier de sponsoring pour solliciter un partenariat avec différents distributeurs ou fabricants. Suite à cela, j’ai reçu plusieurs réponses positives.

  • Rab, fabriquant de vêtements pour conditions extrêmes, m’offre une remise conséquente pour l’achat de ma doudoune.
  • MX3 (plats lyophilisés), m’accorde une remise importante dans le cadre du « club partenaire privilège »
  • Expé, magasin où j’achète les raquettes, sac de couchage, matelas… m’a fait un geste commercial également.
  • Terre des Sames, Annette et Pascal, habitants de Kiruna et organisateurs de séjours en Laponie, m’aident depuis longtemps dans mon organisation et ma logistique.

Ils me soutiendront au cours de cette aventure :

 

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Les préparatifs

Beaucoup de temps passé dans les magasins, sur les sites internet, à feuilleter des catalogues de matériels… Il me faut trouver le matériel le mieux adapté, mais aussi en faisant très attention aux prix. Car à budget illimité, tout est possible. Mais voilà, ce n’est pas mon cas. Alors je me documente beaucoup, pose beaucoup de questions aux vendeurs et même directement aux fabricants.

J’ai lu bon nombre de récits sur des aventuriers qui ont parcouru la Kungsleden. Je n’ai trouvé personne qui ait fait ce circuit en raquettes. L’hiver, c’est le ski nordique qui domine sur la piste. L’été, ce sont les marcheurs qui traversent la toundra.

Sur le plan physique, il me faut également m’entrainer. Alors je marche le plus possible. Je pars marcher le week-end durant 4 à 5 heures, faisant jusqu’à 20 km. Le reste de la semaine, je vais nager. J’adore la natation. Ainsi je garde la ligne, je me muscle, et gagne en endurance.

Petit problème pour l’instant. J’ai changé mes chaussures de marche à l’automne. Les miennes étaient usées et commençaient à me faire mal à un pied. Les nouvelles sont encore très dures, et me font terriblement souffrir à chacune de mes sorties. Ce sont des chaussures à tige haute (ASOLO Tribe GV). C’est justement la partie haute qui me blesse au niveau du tendon d’Achile. Je vais donc les porter au quotidien, même au bureau pour arriver à les casser.

Nous sommes fin janvier, et concernant l’achat du matériel, maintenant que plusieurs partenaires m’apporte leur aide, j’ai pu passer les commandes. J’ai déjà reçu les chaussons de bivouac en duvet d’oie. J’ai testé : wow c’est chaud et très agréable. Je les porterai durant les nuit, à l’intérieur du sac de couchage. Le reste du matériel, le plus lourd, devrait arriver dans les jours qui viennent. J’ai eu le grossiste de Rab au téléphone pour valider le règlement de la doudoune, une Rab Summit Jacket. Elle devrait me tenir au chaud durant les bivouac, à regarder les aurores boréales…

Finalement, je n’aurai pas à porter mon sac. Je vais louer une pulka chez Intersport à Kiruna, que je récupèrerai à la descente de l’avion. Elle me permettra d’emporter davantage d’équipement et de nourriture.

A propos d’aurores boréales, j’avais déjà dû en parler dans mon récit de l’hiver dernier, mais voici quelques explications.

 

Les aurores boréales

Les aurores constituent probablement l’un des plus impressionnants spectacles de la nature. Les aurores ont toujours impressionné les gens qui les ont regardées. Un côté mystérieux !

Les peuples « inuit » pensaient qu’à l’origine, les esprits étaient fâchés, puis plus tard, certains pensèrent que c’était le reflet du soleil sur les glaciers. Mais aujourd’hui le secret des aurores boréales a été percé.

En fait, les aurores se forment lorsqu’il y a éruption solaire. Tous les onze ans, le soleil connaît un maximum solaire.

aurore_4Les éruptions solaires, généralement des protubérances solaires, suivent le champ magntique, mais il arrive parfois qu’il y ait brisure et éjection de masses solaires. Ce sont ces masses solaires qui vont nous donner les aurores.

Parties du soleil, les particules solaires voyagent dans l’espace. Il leur faut environ 2 jours avant qu’elles arrivent sur terre.

La terre, est protégée par des ceintures magnétiques qui arrêtent les particules chargées du soleil. Ces dernières sont alors obligées de contourner ces ceintures magnétiques et rentrent par le pôle nord et le pôle sud magnétiques.

Quand les molécules d’atmosphère arrivent en contact avec certains gaz, elles produisent des couleurs différentes. Le plus souvent les aurores sont d’une couleur verte. Mais pour qu’elles s’activent, il faut qu’il y ait un certain nombre de particules excitées. Les couleurs observables dans une aurore sont le rouge, le vert et le mauve qui est très rare. Les aurores se situent dans la ionosphère, à environ 90 km d’altitude. Le ciel n’est pas prêt de nous tomber sur la tête ! (source : www.futura-sciences.com)

Dimanche 21 janvier 2012 : une flamme solaire exceptionnelle a été observée. Celle-ci a provoqué la plus forte tempête de protons depuis le 13 mai 2005, une tempête de catégorie 3 sur une échelle qui en compte 5.

Le 24 janvier, des aurores magnifiques ont illuminé le ciel. C’est notamment en Laponie que les plus belles observations ont été faites.

 

Le planning

Tout est finalisé, tout est réservé. Pulka, auberges de jeunesse à Stockholm, Kiruna et Abisko.

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C’est parti !

 

12 mars. J’entame un nouveau cahier

Un nouveau carnet d’aventure s’ouvre donc. C’est toujours un grand moment, probablement parce que ça fait 4 mois que je prépare ce voyage, et que je le fais seul. Ce carnet est un moyen pour faire partager mes émotions. Les photos habilleront mes mots.

Nous sommes donc le 12 mars. L’histoire a commencé avant-hier, le 10. Mais voilà, j’ai été tellement occupé que je n’ai pas pris le temps de prendre ma plume. Revenons un peu arrière.

Samedi matin. Réveil à 3h30. Départ de la maison à 4h30 pour l’aéroport de Marseille. Décollage. Marseille – Amsterdam, puis second vol pour Stockholm. Vers 14h, après avoir déposé mon énorme sac à dos à l’auberge, je retrouve pour la 4ème fois les rues de la capitale Suédoise. Pas la moindre trace de neige. Tout juste un peu de glace sur quelques canaux. Les températures sont bien trop douces. Rien à voir avec 2009 où les rues étaient recouvertes de blanc. Du coup, les rues sont sales du fait des graviers qui sont éparpillés pour éviter les glissades. Je note, comme toujours, que les suédois sont toujours aussi accueillants. Je commence à bien connaître les rues, et pour la première fois, je ne me suis pas perdu. La vieille ville (Gamla Stan), le palais royal, la rue commerçante (Drottninggatan), T-Centralen et la place du théâtre (Hötorget). La fatigue me gagne. Il n’est que 17h30. Un peu tôt pour dîner. Toutefois, les suédois sont déjà à table. Pizzéria, McDonald’s, Sushi bar
tout est bondé. Je prends un bus qui me ramène à l’aéroport, puisque je loge, comme l’an dernier, dans le Jumbo Stay, ce Boeing 747 reconverti. Je dîne rapidement au Mc Do de l’aéroport, et à 20h, j’éteins la lumière.

Le jour me réveille à 5h30. Et oui, le jour se lève tôt ici à cette saison. Mon vol pour Kiruna est à 11h05. Et il est à l’heure. L’avion n’est pas complet et le ciel est dégagé sur tout le parcours. On survole la mer Baltique. Sous l’aile gauche, la Suède, et sous l’aile droite, la Finlande. Plus on monte vers le nord, plus il y a de neige. Un peu plus d’une heure trente de vol et le Boeing 737 de la compagnie SAS se pose sur le sol polaire de la Laponie Suédoise. Me voilà de retour à Kiruna. Je reconnais les lieux qui n’ont pas changés depuis l’année dernière. Nous descendons de l’avion par l’escalier. Le silence m’impressionne encore. J’aime ces petits aéroports du bout du monde. Dans le petit hall de l’aérogare, Annette et Pascal m’attendent. Les revoir me rend heureux. Leurs sourires illuminent ce moment de retrouvailles. Il est environ 13h. Nous faisons une petite étape à la cafétéria de l’aéroport pour grignoter un morceau et parler, parler, parler. Tant de choses à nous dire. Plus tard, dans l’après-midi, alors que le ciel jusque-là assez couvert, se lève, nous partons faire une petite balade non loin de Kiruna. J’ai posé le pied sur le sol Lapon depuis à peine quelques heures, et me voilà raquettes aux pieds, aves mes amis à fouler la neige de ces paysages grandioses. Le silence nous entoure. Nous repérons de nombreuses traces de rennes, d’élans, de lièvres, et même d’écureuils. Mais nous ne verrons rien. Nous longeons une rivière gelée, traversons un marécage, un lac. On sent la fraicheur de la glace, masquée par plusieurs centimètres de neige. Quatre mois de préparation pour être là, comme ça, dans ce décor incroyablement beau. Ce que j’aime dans ces paysages polaires, c’est ce calme, ce rendez-vous avec la nature, et avec soi-même. Le nombre d’habitant au km2 et tellement faible, qu’on peut ainsi marcher des heures sans croiser personne. En pensant à ça, je me dis que le retour à la civilisation sera dur ! N’y pensons pas, chaque chose en son temps.

Après une soirée très agréable autour d’un bon dîner préparé par Annette, j’ai regagné l’auberge où j’avais réservé une chambre. The Tommy’s house. Très sympa, très calme. Une nuit bien reposante.

Lundi matin, je dois récupérer ma pulka chez Intersport. J’en profite pour acheter de l’essence pour le réchaud. Je finalise mes achats avec de quoi manger au petit déjeuner (du pain aux céréales, jus d’orange). Une pelle à neige pour bivouac, et de la viande de renne séchée, très énergétique en cas de fringale. Déjà 14h, je dois prendre le train, qui aura du retard bien entendu. C’est classique dans le nord. Je descends à Abisko Östra aux alentours de 16h. Là encore, je reconnais les lieux. Décidément, l’auberge ressemble toujours à un énorme chantier, tant c’est la pagaille. Heureusement que la neige cache la misère. Une vieille motoneige rouillée qui était déjà là l’an dernier, des outils dont on voit le manche dépasser de la neige. Örjan est toujours là lui aussi. Il fait le même discours de bienvenue que l’an dernier. Aujourd’hui encore il explique comment économiser l’eau chaude, et invite chacun à prendre connaissance du règlement du sauna. Sauna qui a été entièrement refait. Terminé les bois de renne qui servent de porte-manteau ; terminé la douche à l’aide des bassines qu’on se verse sur la tête ; terminé aussi le poêle à bois. Place à un sauna tout neuf, très grand, avec un énorme poêle électrique au centre. Ce qui ne change pas, ce sont les roulades, tout nu dans la neige ! C’est toujours aussi dur, mais ça dynamise. Du coup, j’ai loupé les aurores boréales du soir. Lorsque je suis arrivé à 16h ; il neigeait à gros flocons, et ce soir, le ciel est dégagé. J’ai tout de même vu quelques lueurs vertes dans le ciel. Des gens qui logent à l’auberge m’ont montré leurs photos. Très jolies. J’ai bon espoir d’en voir des belles durant les 10 nuits de mon périple. Örjan m’a dit que demain la météo devrait être exécrable. Neige et vent. Sympa. Pour mon premier jour de marche, j’aurais préféré du beau temps. On verra si le vieux loup a raison. 

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Jour 1. Premiers pas sur la Kungsleden

Abisko – Abiskojaure. 12 km

Mardi 13 mars. Quelle nuit pourrie à l’auberge. Deux gros ronfleurs dans le dortoir. Levé à 6h30. Petit déjeuner, préparation de la pulka, et c’est le départ. Au réveil, il neigeait, et à 8h, lorsque je fais les premiers pas de la Kungsleden, le soleil est de retour. Je commence donc à tirer la pulka. Sensation étrange. Au début, je ressens des à-coups à chaque pas. Lorsqu’il y a une bosse, un coup de frein, et quand ça descend, elle pousse. Et tout ça se fait avec un petit retard, puisqu’elle traine deux mètres derrière moi. Les premiers kilomètres sont plutôt faciles. Le soleil matinal fini par briller, et la piste est déjà faite. Une motoneige est passée à plusieurs reprises pour damer la neige. Après m’avoir croisé trois fois et salué à chaque fois, le pilote de l’engin s’arrête pour discuter et me demander si la piste me convient (oui oui, merci, fallait pas faire tout ça pour moi), et quelle était ma destination. Malheureusement il n’est pas allé jusqu’à Abiskojaure. Il ne préparait pas la piste pour moi, mais pour un groupe de touristes qui allait bientôt me dépasser en motoneige. Je trouve ça incongru. C’est bruyant, ça pollue et ça dérange les animaux (et les randonneurs). Ils m’ont dépassé alors que je cassais la croute dans la matinée. Un peu plus tard, c’est moi qui les dépasse pendant leur pose. Ils aperçoivent mon petit drapeau tricolore accroché à mon sac à dos, et m’interpellent. En français. On discute un peu. Ils viennent de Nancy. A leur tour, ils me questionnent sur mon aventure, puis je repars. Plus loin, les choses se gâtent. La piste n’est pas du tout faite. Je suis les traces d’une motoneige, mais le vent balaie la neige. Le terrain est totalement plat puisque je suis sur une rivière. Mais la pulka freine terriblement et par à-coups. Ma progression est de plus en plus lente. Une petite douleur se fait ressentir au genou droit. C’est ce que je redoute le plus dans cette aventure : la tendinite qui me fait souvent souffrir lors des randonnées. Mauvaise nouvelle donc. Vers midi, je m’arrête déjeuner dans un village d’été Same. Le peuple « Sames » est celui qu’on appelle « les lapons ». Car ici, nous sommes en pays Sàpmi. Le village est fait de petites cabanes en bois. Je me mets à l’abri d’une d’elles. Il vente et il neige. Je mange mon plat de pâtes qui je m’étais préparé le matin. Elles sont maintenant bien froides. Je prends mon courage à deux mains, et surtout à deux jambes, car il me faut maintenant traverser le lac d’Abisko sur plusieurs kilomètres. C’est interminable ! La pulka glisse très mal. J’ai l’impression de monter une côte sans fin. Une motoneige me croise. Je rejoins sa trace. Mes raquettes s’enfoncent moins. La progression est moins pénible. En arrivant près du rivage, je vois flotter un drapeau. Abiskojaure est en vue [prononcez abiskoyahoré]. Jaure [yahoré] signifie « lac » en suédois. Il est tôt, 15h, mais je suis crevé. En arrivant au refuge, une dame sort et vient à ma rencontre. Dans le même temps, quatre autres personnes arrivent également en pulka-raquettes. Ce sont des français qui arrivent du sud de la Kungsleden. J’hésite à dormir dans la tente ou dans le refuge. Finalement, ma douleur au genou et la mauvaise nuit à Abisko font que j’opte pour le refuge. C’est cher, mais je dois penser à reprendre des forces et économiser mon genou. J’ai une grosse journée demain. C’est la première fois que je dors en refuge. C’est très curieux. Il faut tout apprendre. Il y a l’eau courante bien sûr : on va au lac gelé avec des gros bidons de vingt litres. On soulève la trappe en bois qui bouche le trou ; à l’aide d’une pelle, on casse la glace qui s’est reformée à la surface ; on rempli les bidons et on les ramène en courant car c’est très froid. L’eau courante donc Pas d’électricité non plus. Juste du gaz pour les réchauds. Quand la nuit tombe, on allume les bougies et les lampes frontales. On cuisine et on mange à la frontale ! Les toilettes sont bien sûr à l’extérieur, et sèches. J’ai dîné à la bougie, au chaud. Il y a des poêles à bois dans la grande pièce principale et dans les chambres. Au menu ce soir, poulet Tandori et riz. Plat lyophilisé MX3.

Il est plus de 20h, un grand gaillard vient d’arriver. Il fait nuit noire depuis un bon moment maintenant. On lui demande d’où il arrive comme ça. Il nous donne le nom d’un village ou d’un refuge qu’on ne connaît pas. Il continue en disant que c’est à 55 km de là. Il skie depuis 7h ce matin !!! Invraisemblable. Il pourrait faire la Kungsleden en 2 jours ! Dingue.

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Jour 2. Le désert blanc

Abiskojaure – Radunjarga. 12 km.

Très bonne nuit. Mes compagnons de chambrée n’ont pas ronflé. Réveil de bonne heure. Certains partent très tôt. Donc il y a un peu de bruit dans la pièce commune. Les randonneurs préparent à manger et font leur sac. Pour ma part, je suis parti un peu avant 8h, comme hier. Le temps de préparer mon déjeuner du midi, faire mon sac et charger la pulka. Je salue les autres voyageurs que je quitte. Les quatre français partent en même temps, mais dans l’autre direction, vers le nord. Quant au jeune couple franco-tchèque avec qui j’ai discuté hier soir, ils partent un peu plus tard. Ils vont plus vite que moi. Ils devraient me dépasser en cours de route. Dehors, toute une équipe de skieurs scandinaves partent devant moi. Ils me feront la trace. Il neige ce matin, mais le vent est tombé. Départ tranquille, pour chauffer progressivement les muscles. Il fait -8°C. C’est doux. Mon genou semble tenir le coup, même si je le sens encore ce matin. Comme hier, la pulka est lourde à tirer. Ce sera comme ça toute la journée. Les skieurs qui me précèdent portent leur sac à dos. Leurs traces sont donc moins larges que les miennes. Même dans les descentes il faut que je tire. Cela dit, dans l’étape du jour, les descentes étaient rares. Je commence à maudire cette pulka. Ça a grimpé une bonne partie de la journée. J’ai cru que mon genou allait me lâcher tant la douleur augmentait. Mais me voilà sur un plateau. En partant d’Abiskojaure ce matin, j’ai d’abord traversé un lac, puis un petit bois de bouleaux. Paysages sans grand intérêt. Arrivé sur ce plateau, c’est totalement différent. Hier soir, une dame m’avait dit que le début du parcours était « chiant. Ça grimpe et c’est moche. Mais ce qui suit vaut le coup ». Donc en arrivant là, après de gros efforts, je m’arrête faire une pause casse-croute : pain aux céréales et viande de renne qui se mange comme du jambon de Bayonne. C’est excellent. J’admire ce décor tout en mangeant. Je suis au cœur d’un désert. Vous connaissez certainement le désert de sable du Sahara pour en avoir vu des images au moins. Et bien ici c’est pareil. Remplacez le sable par de la neige, et les dunes par des montagnes. La piste descend dans la vallée. L’immense vallée sans pin. Pas un arbre. Pas un buisson. Rien ne pousse. J’imagine l’été, tous ces espaces occupés par les hardes de rennes, broutant le lichen de la toundra. J’ai d’ailleurs vu, de loin, un camp d’été Same. J’aimerai bien rencontrer ce peuple. Un panneau m’indique que j’ai parcouru 12 km, et qu’Alesjaure, la seconde étape de la Kungsleden pour ceux qui veulent dormir en refuge, est à 10 km. Je commence à être fatigué et si le soleil a brillé toute la journée finalement, le temps se couvre. Au loin, On voit le temps complètement bouché. 1 km plus loin, j’arrive à une cabane qu’on appelle ici, une hutte. C’est un mini-refuge pour les randonneurs. Il y en a sur les longues étapes. Je m’y arrête le temps de prendre une décision : il est 15 heures. Je marche encore une heure ou deux et je plante la tente sous la neige, ou bien j’arrête là pour ce soir et profite de l’abri. Je consulte la carte. L’étape de demain semble assez plate. Même si je sais que c’est moi qui devrait faire ma trace. Choix numéro 2 ! Je reste là. Je fais le tour du site. Une cabane en bois d’environ 25 m2 avec des bancs le long des murs, une table et un tabouret. Dans un coin, le poêle. Dehors, des toilettes et une cabane pour stocker le bois. Je commence par décharger ma pulka et j’allume le poêle. Je vais couper du bois. J’en n’aurai pas assez pour la nuit. Des rondins de bouleau d’un mètre de long sont entreposés. Une scie et une hache sont à disposition. Je scie, je fends, et me voilà avec une nouvelle expérience en main. Je mettrai à jour mon CV en rentrant. Maintenant je peux attendre que la température de la pièce monte un peu. A mon arrivée, il ne faisait que -3°C. Je termine ce chapitre avant qu’il ne fasse trop sombre dans la hutte. Je fais fondre de la neige sur le poêle pour avoir de l’eau. Vers 21h, je suis sorti voir si le ciel était illuminé d’aurores boréales. Et bien non. Bien que le ciel fut partiellement dégagé, on ne voyait rien. Je suis resté près d’une demi-heure dehors. J’ai noté que le vent commençait à forcir. Ça promet pour demain.

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Jour 3. L’enfer du blizzard.

Radunjarga – Alesjaure. 9 km.

Jour de grosse galère. Jour de doute. Journée détestable pour celui qui se lance un défi. Pourtant la nuit a été bonne dans ma hutte. Le poêle s’est éteint durant la nuit, laissant la température chuter. Mais mon sac de couchage s’est montré très efficace. Le vent a soufflé toute la nuit. Je prépare ma journée tranquillement : je rallume le feu. Je fais fondre de la neige, me prépare un café, pain aux céréales, viande de renne. Classique. Je fais chauffer davantage d’eau, profitant du poêle pour économiser l’essence du réchaud, pour faire un brin de toilette. Je rêve déjà d’une bonne douche. Je prépare la pulka. Vu que je vais avoir le vent de face, il me faut mon masque de ski pour me protéger les yeux. Stupeur : je ne retrouve pas mon masque. Je défais mes deux sacs, fouille la pulka. Rien. Nada. J’ai perdu mon masque. Ce n’est pas un élément vital ici, mais c’est quand même important. La perte d’une moufle serait très dangereuse par exemple et rendrait la poursuite de l’aventure impossible. Là, ce n’est pas le cas, mais bon. Le fait de perdre un élément de mon équipement m’agace et me rend furieux. Je me fais une raison et tout en râlant, je boucle mes affaires. La pulka est chargée. Je fouille une dernière fois la hutte pour m’assurer de ne rien laisser derrière moi cette fois-ci. Départ. Comme prévu, le vent a effacé les traces d’hier. Je les distingue quand même un peu par endroit, mais les perds souvent. Mes raquettes s’enfoncent de dix centimètres dans la neige. La pulka tire. Je n’avance à rien. Mon objectif du jour est de faire 15km. J’ai calculé qu’hier, je n’ai pas dépassé les 2 km/h de moyenne. C’est bien trop peu. Par moment j’avance bien. La piste d’hier est visible et la pulka glisse bien. Mais d’un coup, ce n’est plus du vent, mais du blizzard. Un vent terrible aux ¾ face qui soulève la neige. Mon masque m’aurait été bien utile
Je m’arrête tous les 50m pour reprendre mon souffle et mes forces. A ce rythme, il va me falloir la journée pour arriver au refuge d’Alesjaure. Mon planning veut que j’y arrive pour midi, et que je continue ma route dans l’après-midi. Je croise un couple de belges qui arrive de ce refuge justement. Malheureusement, ils n’ont pas de pulka pour faire la trace. Je dois me battre de toutes mes forces pour avancer, lutter contre ce vent de folie et pour arracher la pulka à la neige poudreuse. J’aperçois un peu plus bas, sur le lac, deux skieurs. Je m’arrête pour mieux les observer et comprendre d’où ils viennent pour ne pas être sur la même piste que moi. L’un d’eux tire une pulka ! Super ! Il doit faire une trace. Au fur et à mesure qu’ils se rapprochent, je distingue la couleur de leurs tenues. C’est le couple franco-Tchèque que revient sur leurs pas. Je leur fais signe, et descends à leur rencontre. Hier, ils ont réussi à gagner le refuge d’Alesjaure et rentrent à Abisko. Ils me conseillent de suivre le lac, forcément plus plat que les côtés qui ne font que monter et descendre. Le vent efface leurs traces. Chaque pas est un effort dont je n’ai vraiment pas l’habitude. C’est dans ces moments-là que le doute s’installe. Qu’est ce que je fais là ? Faut-il continuer ? Ne devrais-je pas faire demi-tour et rentrer à Abisko ? Renoncer au bout de trois jours seulement ? Non, ce n’est pas envisageable. Le refuge est en vue. Je suis épuisé. J’ai mal au genou, j’ai mal sous les pieds, et j’ai faim. Tout va bien ! Je me dis qu’une fois que j’aurai mangé, que je me serai reposé, tout ira mieux. J’arrive enfin au refuge qui se trouve sur une bute qui domine la vallée et le lac. Une dame m’accueille. Elle me demande d’où je viens et présume que je suis fatigué. Ça doit se voir sur moi. Elle me prend par le bras et me dit d’avancer jusqu’à l’accueil du refuge. « Ôtez vos équipements et rejoignez-moi à l’intérieur, je vous prépare une boisson chaude ». Sylvia, c’est son nom, me sert un thé au lingon, un petit fruit de cette région qui ressemble un peu à des groseilles. Je lui dis que j’ai l’intention de continuer ma route après déjeuner. Elle tente de m’en dissuader : « le blizzard va encore forcir cet après-midi et ce n’est pas prudent ». Qui plus est sans masque. Je commence par reprendre des forces. Il est midi. Finalement mon objectif du matin est atteint. Ventre creux réfléchi peu, ventre plein réfléchi bien ! Je reste là. Durant mon déjeuner, le vent a effectivement forci. J’ai l’habitude du mistral, mais là, c’est une tempête. Impossible de se tenir debout. Rien que pour aller aux toilettes, certains prennent leurs bâtons de marche pour garder l’équilibre ! Ce n’est pas encore ce soir que je planterai ma tente. Il paraît que le temps doit être le même demain. Pourvu qu’ils se trompent. Les prévisions météo ne sont pas fiables par ici. Donc je suis là, dans la pièce à vivre du refuge, avec deux allemands, eux aussi bloqués là depuis ce matin. Ils étaient avec moi à Abiskojaure avant-hier. Je retourne voir Sylvia à l’accueil pour lui régler la nuit. 395 couronnes. Une fortune (près de 45€). Plus cher qu’une auberge de jeunesse avec eau, électricité, douche et toilettes ! Mais bon, on est au milieu de nulle part, et c’est ça ou la tente ! Et franchement, la raison m’oblige à me reposer. Je fais quelques provisions à la boutique : gâteaux pour le petit déjeuner et occuper mon après-midi. Des galettes Wasa périmées (elle me les offre), de la confiture et des bonbons (c’est bon pour le moral). Le blizzard souffle toujours aussi fort. Du coup, j’ai le temps. Alors je feuillette des revues suédoises (je regarde les images). Je suis allé faire une tournée d’eau avec les allemands. C’est amusant, mais épuisant. Descendre une pente raide, dans la neige poudreuse, jusqu’au lac. Casser la glace à l’aide d’une pelle. Plonger un énorme bidon et le maintenir sous l’eau (sans tomber) et ensuite, il faut remonter le bidon. Il n’y a pas de monte-charge, ni de treuil. Juste la force des jambes pour tirer les 20 kg du bidon sur la neige. Ça me rappelle la pulka
16h30. Il est l’heure de se faire un thé.

Ce soir au refuge, il y a beaucoup d’allemands, dont un groupe qui est là dans le cadre d’un voyage organisé. J’ai discuté avec le guide belge. Ils sont là avec des chiens de traineau. Leur voyage dure une semaine dans le secteur d’Abisko. Mais la météo les bloque ici. Les chiens s’épuisent, m’a-t-il expliqué, à faire des bonds dans la neige. De plus, à cette température, proche de zéro degré, les chiens ont chaud. Ils aiment travailler par -20°C. Pour ce groupe, au dîner, c’est magret de canard et petits légumes. Un demi-magret par personne. C’est que ce sont de sacrés gaillards ! Et bien sûr, alcool à gogo. Bière et eau de vie dont ils ont apporté un jerrican ! Il faut bien ça. Cette eau de vie accompagne le magret. Beurk. Pour moi, c’était poulet au curry, pâtes. En rentrant à la maison, je ne veux plus entendre parler de pâtes pendant des semaines !

Objectif pour demain : rejoindre Tjäkja qui est à 13 km. Je veux m’arrêter avant le refuge, puisqu’il se trouve en altitude, et que je préfère planter ma tente plus bas, et attaquer l’ascension plutôt le matin. Je vais donc avoir une douzaine de kilomètres à faire, face au vent, et en faisant ma trace. Trois allemands (un autre groupe) partiront dans la même direction que moi, mais sans pulka. Décidément, mon idée de départ qui consistait à porter mon sac, n’était peut-être pas idiote. La plupart de ceux que je rencontre le font. Seulement ils n’ont pas de tente, ni réchaud, ni essence
Ça allège le sac. Je vais aller me coucher, pas très confiant pour demain malgré tout.

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Jour 4. J’affronte le blizzard et j’avance !

Alesjaure – Tjäkja. 13 km.

J’ai entendu le vent toute la nuit, et ce matin au réveil, il souffle toujours. Aussi fort qu’hier. Lorsque je regarde par la fenêtre, il est évident qu’on ne peut pas prendre la route. Au petit déjeuner, personne ne souhaite bouger. Le blizzard soulève la neige. On n’y voit rien du tout. Sylvia vient nous donner les prévisions météo du jour : toujours du vent, mais un peu moins cet après-midi. Si je reste un jour de plus ici, je n’aurais plus le temps de continuer et je serais contraint de faire demi-tour. Ce serait une énorme déception. Mais je suis en région polaire et la météo ne se prend pas à la légère. Vers 8h, un des allemands décide d’y aller. Il fait le même parcours que moi. Son sac est prêt. Il part en solo. On le voit s’éloigner. Après mon petit déjeuner, je me décide à mon tour. Je fais mes affaires, charge la pulka. Sylvia me dit d’être prudent et de faire attention en route. Elle est d’une grande gentillesse. A peine je passe l’angle du bâtiment, je suis stoppé net par une bourrasque. Mes lunettes de soleil s’embuent. Je n’y vois plus rien. C’est du délire total. Sans masque, il m’est impossible d’affronter le blizzard. Je renonce donc au bout de 10 mètres ! Pendant que je détache ma pulka, un colocataire vient m’aider et me montre au loin, un skieur qui arrive. Il s’agit de l’allemand, parti deux heures plus tôt, et qui a fait demi-tour. A son arrivée, il dit que dans la vallée le blizzard est terrible et empêche d’avancer. Il faut donc se résigner et renoncer. Renoncer à Nikkaluokta ? Rentrer à Abisko ? J’attends mon après-midi pour prendre ma décision.

11h. Trois personnes, dont celle qui a fait la tentative du matin, partent. Le vent s’est calmé et on y voit beaucoup plus clair. Je discute avec les autres qui sont à l’auberge. Eux n’ont pas d’avion à prendre la semaine prochaine. Ils peuvent donc attendre ici.

11h30. Je déjeune. 12h, je vais dire au revoir à Sylvia qui me répète ses conseils de prudence. Je pars. En direction de Tjäkka. Vers le sud. Face au vent. La neige est bonne. Elle est dure et la pulka glisse bien. Même les montées sont relativement faciles. J’avance bien. Motivé comme jamais. Parlant à voix haute pour m’encourager. L’objectif reste le même que celui que je me suis fixé hier soir : m’arrêter un peu avant le refuge pour faire la montée du col demain matin.

Le temps se couvre de nouveau. Le vent redémarre. La neige tombe. Bientôt c’est une tempête de neige contre laquelle je devrais lutter. Je ne peux pas relever la tête, la neige me cinglant les yeux. Je marche en regardant mes raquettes. Mais j’avance. La visibilité est parfois de moins de 50 m. A chaque croix rouge du balisage, je dois relever la tête pour voir où est la croix suivante. Dans le sens inverse, je croise toute la petite équipe d’une dizaine de skieurs que j’avais vue à Abiskojaure, et qui avait fait ma trace le matin. Bien que poussés par le vent et se donnant à cœur joie dans une descente, ils s’arrêtent me saluer. Ils en profitent pour me dire que la météo à Tjäkja est très mauvaise. Je leur dis qu’à Alesjaure c’était pareil.

J’ai l’impression d’avancer sur un nuage tant la neige est balayée sur le sol, formant comme des vagues dans un brouillard opaque. Sensation étrange. Enfin je vois mes premiers rennes de l’aventure. Le temps s’éclairci, même s’il y a toujours quelques bonnes rafales de vent. 17h. J’ai commencé l’ascension du col. Mais il est l’heure de planter la tente. Je trouve un endroit plat. Le montage de la tente est périlleux. Il y a des rafales de vent très puissantes qui menacent de tout emporter en une fraction de seconde. Il m’est impossible de lâcher la tente tant qu’elle n’est pas solidement fixée au sol. Je dois attacher des cordes à la pulka pour l’assurer. L’opération est franchement délicate. Si la tente m’échappe, je ne la revois plus, et je me retrouve dehors, sans aucune protection. Finalement, avec beaucoup d’attention (l’expérience du masque m’ayant servi de leçon), la tente est montée, et fixée au sol. Il fait -4°C à l’intérieur. J’allume le réchaud pour faire bouillir de l’eau à base de neige fondue. Ce soir au menu : poulet sauce curry et pâtes. En dessert, crème vanille (lyophilisée aussi).

Ce soir est une soirée « aurores boréales ». Alors que j’étais déjà au chaud dans mon sac de couchage, je regarde par la petite lucarne de ma tente et je vois des lueurs vertes. Ni une ni deux, je suis aussi et surtout là pour ça, je me rhabille et sors. Superbe. De jolies aurores à travers les massifs. Un spectacle magnifique. Elle est chouette ma terrasse ce soir ! J’ai fait quelques belles photos.

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Jour 5. Des paysages d’un autre monde.

Tjäkja – Sälka. 12 km.

Réveillé de bonne heure par le froid. Je ne comprends pas bien pourquoi j’ai froid aux jambes dans mon sac de couchage. A l’extérieur, tout est très humide et gelé. Il y a un peu de givre au plafond de ma tente. L’humidité est générée par ma respiration notamment.

6h. Je me lève. Il fait -7°C dans la tente, -10°C dehors. Le vent s’est totalement calmé. Lorsque je sors de la tente, je me retrouve face à un petit groupe de rennes surpris par ma présence. En hiver, alors que tout est recouvert par la neige, ils doivent creuser pour atteindre leur précieuse nourriture. Ils consomment beaucoup n’énergie, et sortent de l’hiver épuisés à la fois par le manque de nourriture, et par le froid. Deux heures après m’être levé, je suis prêt à me mettre en route. Mon camp est plié, et propre. « Passer sur la nature en la caressant » écrivait Nicolas Vanier.

J’entame donc l’ascension du petit col qui monte au refuge de Tjäkja. C’est Lena qui m’accueille. Elle est surprise de voir quelqu’un arriver si tôt. Je lui explique que j’ai campé un peu plus bas, et que j’ai besoin d’eau. Un des allemands qui m’avaient précédé dans le blizzard hier matin, sort pour m’accueillir à son tour. C’est sympa. Lena m’invite à l’intérieur du refuge où je rempli mes bouteilles et me fais un café que j’ai oublié de prendre ce matin. Les trois allemands avaient donc pu rejoindre le refuge. Ingo, celui qui avait fait la première tentative le matin, est arrivé épuisé, m’ont-ils raconté. Il faut dire qu’il avait marché 2 heures de plus le matin. L’ascension a été une épreuve pour lui. Ils repartent ce matin aussi, toujours dans la même direction que moi. Destination du jour : Sälka. Compte tenu de l’humidité de mes affaires, je préfère opter pour le refuge ce soir. 12 km à parcourir. Il y a à peu prêt une heure de montée. Ensuite, c’est le paradis. Autant, durant ces deux derniers jours, j’ai été marqué par la météo, autant aujourd’hui les paysages lapons m’ont enchanté. Imaginez un paysage vallonné ; des massifs de chaque côté ; et moi au milieu. Un désert blanc à perte de vue. Sous le soleil, le vent (faible) dans le dos. En bas de la vallée, la piste traverse une succession de massifs, de part et d’autre. Une ligne faite de croix rouges, à perte de vue, marque la Kungsleden. Beaucoup se décourageraient devant ces grands espaces. En raquettes, la progression est lente, et le bout ne semble jamais arriver. Mais c’est tellement beau. L’horizon est bouché par une petite colline. C’est l’objectif qu’il faut se fixer. « Allez courage, il faut aller là-bas ». En arrivant au sommet de cette colline, c’est comme une nouvelle porte qui s’ouvre sur un nouveau désert et de nouveaux massifs. Et à chaque fois, je m’arrête quelques minutes pour observer la vue et fixer la colline suivante. A aucun moment je ne me suis découragé devant les kilomètres à parcourir. Cette marche lente me plait. Celui qui n’aime pas la solitude ni les grands espaces en mourrait ici ! J’ai fait quelques photos (beaucoup à vrai dire) pour que vous vous rendiez compte, mais j’en suis certain, aucune image ne saura traduire la réalité des lieux. Je suis seul dans cette immensité. Lorsque je m’arrête et que le bruit de mes raquettes et de la pulka sur la neige cesse, c’est un silence profond qui règne. Ecouter le silence. C’est juste impossible chez nous. En arrivant en haut d’une nouvelle colline, je m’arrête faire une petite pause. Thé, petits gâteaux. La température baisse et le vent se lève. Le temps de la pause, mes doigts sont gelés. J’ai du mal à les bouger et peine à attacher la pulka à mon harnais. Vite mes moufles ! Mes sous-gants commencent à être troués à chaque doigt. Je repars. Alors que je pense avoir encore une bonne heure de route, la nouvelle « porte » qui s’ouvre devant moi me présente le refuge, au milieu d’un décor de film. Dans une cuvette entourée de massifs éclairés par le soleil, les bâtiments sont là. A moins de 10 minutes de marche, tout en descente. Je fais des photos en avançant et me dis que s’il y a des aurores ce soir, ce sera incroyablement beau. Il faut que le ciel se dégage. Il est 17h, et il fait déjà -10°C. Le vent reprend. Comme j’ai bien fait de prendre la route hier après-midi. Ce soir j’ai le moral au top !

Le refuge de Sälka est comme les autres. Très propre et très agréable. Mes colocataires, tous allemands – ils sont cinq en tout, dont les trois que je suis depuis Alesjaure – sont très sympas. Ce soir c’est sauna. Je n’ai pas encore faire mon planning pour demain. Mais je sais que je suis désormais en avance sur mon programme.

20h. Le sauna était très agréable. Très chaud, voire trop. Pas de roulade dans la neige cette fois-ci. J’en ai profité pour prendre une douche. Certes avec les moyens du bord car il n’y a pas d’eau courante dans ce refuge non plus. Donc c’est en mélangeant eau chaude et eau froide dans des bassines qu’on se verse sur le corps. A l’ancienne ! Un fort blizzard reprend. Il vient du nord cette fois-ci. Il a tourné. Le ciel est couvert. On distingue des lueurs vertes, mais ce n’est pas clair. Il faut attendre encore une heure. Ça peut changer. La journée de demain sera calme. J’ai pu confirmer que je suis en avance de deux jours. Je partirai probablement dans la matinée. Le refuge suivant est celui de Singi. Il y a un village Same juste avant. En milieu de parcours, il y a une hutte. Si elle est ouverte, peut-être que j’y ferais étape. Jusque là, j’ai déjà parcouru 60 km.

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Jour 6. Quelle merveilleuse journée.

Sälka – Singi. 13km.

Un soleil radieux. Pas de vent. Un décor toujours magnifique. Tout à commencé par les rires et la gentillesse des mes colocataire allemands. Petits déjeuners variés selon ce que les uns et les autres ont pu trouver dans les boutiques des refuges. Corvée d’eau et ménage avant de partir.

8h. Départ sous le soleil levant. Je suis finalement matinal. Avant moi, sont partis deux skieurs qui doivent rejoindre Kebnekaise, à 25 km de là. Ils se font deux étapes en une. Ensuite, deux raquettistes qui me font la trace. Derrière moi, un skieur de 70 ans avec qui j’ai partagé ma chambre et qui va me dépasser sur la piste au bout de quelques kilomètres seulement. Il a une sacrée foulée. Vers 11h, on se retrouve à quatre devant la petite hutte à mi-parcours pour la pause thé. L’endroit est tellement beau et je suis tellement en avance sur ma journée que je décide de rester là jusqu’au déjeuner. Je n’arrive pas à allumer le poêle. Pas de papier ni de petit bois. Ce n’est pas grave, j’allume le réchaud. Trois hommes en motoneige passent me faire un petit coucou. Ils me demandent si tout va bien, d’où je viens, où je vais, remarquent les raquettes etc… et repartent. On est dans un univers parallèle. Tout le monde est joyeux, tout le monde se dit bonjour, ne serait-ce que par un grand geste de la main, le bras levé bien haut. Pendant que je déjeune, deux écossais se joignent à ma table et sortent leur pique-nique. Ils arrivent de Kebnekaise et me donnent quelques nouvelles de la « civilisation ». Car j’ai oublié de le dire, mais depuis mardi, soit depuis six jours maintenant, je n’ai plus de téléphone (pas de réseau ici, même dans les refuges). Toutefois, « radio Kungsleden » (c’est ainsi que j’ai baptisé les bruits qui courent) a fait passé l’information qu’un avion militaire norvégien avec 5 personnes à son bord, s’est écrasé jeudi dans le massif du Kebnekaise, donc dans le secteur où je me trouve. Jeudi était le jour du blizzard. Il a fallu plusieurs jours pour que l’armée, aidée par les Lapons, localisent le lieu du crash. Depuis ce matin, vu que je me rapproche de ce secteur, je vois beaucoup de militaires en motoneige, chenillettes et hélicoptères. Les écossais me disent que le poste de commandement est établi au refuge de Kebnekaise, et que tout est complet. Il paraît qu’il y a des télévisions, journalistes
bref beaucoup de monde. J’ai peine à imaginer moi qui suis seul dans ce désert.

J’avance à très bonne allure. Les yeux grands ouverts à admirer le paysage. Quelques rennes par ici, une rivière gelée par là, et toujours cette immensité indescriptible. Lorsque je marche durant ces longues heures, je pense à ma famille et à mes amis qui ne voient pas tout ça, et avec qui j’aurai du mal à partager mes émotions. Les récits et les photos ne sont que peu de choses. Il faut ressentir tout ça. Nous sommes d’ailleurs le 18 mars. C’est la date anniversaire de mon grand-père. Il aurait eu 100 ans aujourd’hui. C’est peut-être lui qui m’offre cette belle journée. Je pense à lui.

En début d’après-midi, j’arrive sur une butte qui surplombe une vallée. Une nouvelle porte s’ouvre encore. J’ai l’impression d’être dans un western. Le cowboy sur son cheval, en haut de la colline, et en bas, le village paisible. Le cowboy c’est moi, avec mes raquettes et ma pulka, et pour seule arme, mon appareil photo. J’enlève mes lunettes de soleil pour mieux voir. Au fond de cette immense vallée, il y a un village Same, plutôt grand. En tout cas plus grand que ceux que j’ai vu jusque-là. Celui-là aussi est désert. Ce village est constitué de petites cabanes en bois, plus ou moins grandes, assez espacées les unes des autres. Un immense enclos vide jouxte les habitations. Les Sames doivent parquer leurs rennes ici. La piste de randonnée passe au large du village et le refuge de Singi est un peu après. J’avance lentement car j’observe le paysage. En prendre plein les yeux. Aucune photo ne pourra égaler ça. Il me faut quand même quelques clichés. Il y aura forcément un moment où ma mémoire aura oublié certains détails.

J’arrive au refuge de Singi à 15h. Personne à l’accueil. On me dit que la personne est allée chercher de l’eau. J’aperçois, près d’un cottage, une dame allemande qui était à Sälka. Une des deux raquettistes. Je vais la voir. Le refuge est assez vieux et petit. Une partie du groupe de Sälka est là ce soir. Il est tôt ; il fait beau. Je décide de continuer ma route et de bivouaquer plus loin. Je leur prends un litre d’eau et les salue. Comme j’ai toujours deux jours d’avance, je vais faire un petit détour. Demain, je vais me rendre un peu plus au sud, à Kaitum. C’est à 13 km de là. Je reviendrai à Singi mardi pour reprendre ma route initialement prévue. Non loin de Singi, je trouve un emplacement parfait pour le bivouac. Pas de vent. Pas de bruit. Rien. Je monte ma tente et range mes affaires. Il m’a encore fallu une heure. Un bivouac d’hiver n’est pas aussi simple que l’été. Il faut parfois creuser la neige pour ne pas que la tente se tasse. Remplacer les piquets par des ancres. J’ai confectionné six ancres avant mon départ à l’aide de sortes de disques en plastique attachés à des ficelles. Je fais un trou dans la neige, y enfonce l’ancre et rebouche le trou, laissant la ficelle dépasser. Je peux alors attacher la tente aux six ancres. Je me suis amusé à faire un siège dans la neige. Tant qu’à faire, c’est plus confortable pour écrire et manger. Il fait -11°C et la nuit commence à tomber. Le ciel s’est couvert. Je ne sais pas si on verra des aurores ce soir.

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Jour 7. J’ai écouté le silence.

Singi – Kaitum. 13 km.

J’ai d’abord très mal dormi dans ma tente. Ce ne sont pas les -15°C au coucher qui m’ont posé problème, mais plutôt la fraicheur du sol qui me glaçait. Malgré le sol de la tente, une couverture de survie étalée au fond, le matelas et le sac de couchage, la sensation était glaciale. J’ai dû me réveiller chaque demi-heure pour me tourner d’un quart de tour. Du coup je ne sais pas si je vais retenter le bivouac cette semaine. N’empêche que ce matin à 6h, j’avais plutôt la forme. Petit déjeuner, démontage du camp. 8h20, la pulka est attelée et c’est parti pour 13 km de marche, vers Kaitum. Le paysage change. Je sors un peu de mon décor de film. Moins de neige. Davantage de cailloux. On voit dépasser quelques pousses des arbustes dont les rennes se nourrissent. J’arrive au croisement de deux vallées, et j’entre dans un paysage différent encore. La neige est plus épaisse et gelée en surface. Mais il y a surtout beaucoup plus de végétation. Les bouleaux sont de retour. La piste traverse les arbres, et surplombe une rivière partiellement gelée. Le terrain n’est donc pas plat. Des montées et des descentes sur une piste labourée par six équipages de chiens de traineau que j’ai croisé un peu avant. La progression est lente, mais peu importe, je sais que le refuge de Kaitum n’est pas très loin et j’y serai pour midi. J’ouvre grand mes yeux pour voir s’il y a des animaux. Je n’ai vu que des lagopèdes. C’est un gros oiseau tout blanc, avec le contour des yeux noir. Il y a un chant assez particulier. Mais dès qu’il s’envole, on le perd de vue, son plumage se mêlant avec la blancheur de la neige.

Lorsque j’arrive à midi au refuge, la gardienne m’accueille avec son grand sourire et son « Welcome at Kaitum ». Elle m’offre une carafe de sirop de lingon rafraichissante. Elle m’ouvre le cottage que je vais occuper. Il fait un froid polaire à l’intérieur. Le petit thermomètre indique 1°C. Dans les seaux, l’eau est carrément gelée en surface ! Je décharge rapidement la pulka et j’allume le poêle dans la pièce principale, ainsi que celui de ma chambre. Les trois allemands qui s’étaient arrêtés à Singi hier, arrivent à leur tour pendant que je mange mes spaghettis et ma viande de renne. A 14h, tout le monde a mangé. Je pars avec Ingo pour couper du bois. Lui scie, moi je fends. 15h. Il fait un soleil radieux. Tous les nuages se sont dissipés. Pas un poil de vent. Il fait même chaud (c’est relatif). Je chausse mes raquettes, prends mon petit sac à dos, et pars faire une petite randonnée de deux heures autour du refuge. En contrebas, il y a le lac de Kaitum qui donne une vue magnifique, et un peu sur la droite du refuge, un village Same. Je me suis arrêté sur le lac, enlevé ma casquette qui me couvre les oreilles, et j’ai écouté. J’ai écouté le silence. Ce n’est pas la première fois que je parle de ce silence. Je l’ai découvert l’autre jour après le refuge de Tjäkja. Essayez, vous qui êtes chez vous en train de me lire. Ecoutez. Je suis certain qu’il y a le bruit du réfrigérateur, le tic-tac d’une pendule, la chaudière qui se met en marche, une voiture qui passe. Ici, il n’y a rien. Je vous dis, je suis dans un monde parallèle. Tout le monde est gentil et accueillant, pas de bruit, pas d’agitation. Au bout de cette petite balade, je n’ai vu aucun élan. Même pas de trace. Il ne doit pas y en avoir par là. Je me renseignerai. Il est 18h, et l’obscurité commence à arriver dans le cottage. Dehors, la température a chuté à -10°C et le ciel est toujours totalement dégagé. Pourvu qu’il reste comme ça et qu’il y ait des aurores. Car dans ce paysage, là encore, ça peut donner quelque chose de bien.

En attendant 21h, heure à laquelle les aurores boréales font généralement leur apparition (en tout cas ces derniers jours), nous nous occupons, mes trois colocataires et moi. Lecture pour les uns, écriture pour les autres (je ne suis pas le seul à tenir un carnet de route). Nous dînons bien sûr à la même table. Je suis un peu isolé des conversations puisqu’ils parlent dans la langue de Goethe que j’ai totalement oublié depuis le lycée. Je m’amuse à relever certains mots ou certaines phrases. Régulièrement, ils ont la gentillesse de m’expliquer la teneur de leurs discussions (en anglais). Ainsi, je raccroche un peu aux wagons et ne suis jamais totalement mis à l’écart.

21h. Nous surveillons par la fenêtre si le ciel s’illumine. Oui !! Tout le monde dehors, en tenue grand froid, appareils photos en main. Jusqu’à 23h ce fut un festival. De grandes lignes vertes qui dansent de façon assez désordonnée, d’est en ouest. Ces lueurs jouent avec les massifs. C’est superbe. En plus, il n’y a pas un nuage dans le ciel. Alors que mes amis sont déjà couchés depuis un moment, frigorifiés à rester dehors sans bouger (je dois être mieux couvert qu’eux), je rentre à mon tour me mettre dans mon sac de couchage. Le feu du poêle de ma chambre est déjà éteint. Tant pis.

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Jour 8. Auf Wiedersehen !

Kaitum – Singi. 13 km.

Grasse matinée. Levé 7h ! Les matinées en refuge deviennent rituelles. Petit déjeuner, toilette rapide, préparation du déjeuner du midi (uniquement pour le français de la bande), préparation des sacs, nettoyage du refuge. La gardienne vient nous dire bonjour et nous donne la météo du jour (beau temps, pas de vent). Elle nous remercie pour notre « travail ». Nous lui laissons le refuge plus propre que nous l’avons trouvé en arrivant (et pourtant, ce n’était pas très sale). Elle a beaucoup apprécié le coup de balai dans le local à bois, après que nous ayons scié Ingo et moi. Elle nous offre à tous les quatre, un paquet de raisins secs. Ingo s’en amuse et nous fait beaucoup rire, en disant qu’en principe on donne des bonbons aux enfants le dimanche. « Merci de nous faire revenir en enfance ». Vers 9h, je salue mes amis de quelques jours, qui prennent la route du sud, alors que moi je reviens sur mes pas, vers le nord. Direction Singi. 13 km. Je n’ai qu’à suivre mes propres traces que j’ai faites hier en venant. Les températures ont bien baissées, ce qui n’est pas pour me déplaire, car ainsi, la neige est plus dure. Les raquettes s’enfoncent moins et la pulka glisse mieux. Ce matin, il fait -8°C. J’aurai la même température lors de mon déjeuner à midi. Ma bouteille d’eau a commencé à geler et mes pâtes sont très froides. Je ne m’attarde pas. Pas plus que cette nuit, lorsque je me suis levé à 4h. Croyez-moi, j’y ai réfléchi à 2 fois (voire plus) avant de me décider à me lever. Mais ma vessie n’en pouvait plus ! Alors, pensez que les toilettes sont à l’extérieur, à 50 m du cottage. Il faut donc s’extirper de son sac de couchage. S’habiller de la tête aux pieds. Petit coup d’œil au thermomètre à la porte d’entrée : -16°C. A noter que le jour se levait. Actuellement, à cette latitude (2° au-dessus du cercle polaire), les jours allongent de 15 min par jour ! C’est surtout visible le matin. Nous sommes d’ailleurs le 20 mars, équinoxe de printemps. D’ici un mois, le jour sera permanent ici.

J’arrive à Singi vers 14h. J’ai mal au genou droit (satané douleur qui ne me quitte pas), et au talon d’Achille gauche. Demain matin, je commence par une petite montée. 100 mètres de dénivelé sur 2 km. Ça va plaire à mon genou. Si j’avais encore une semaine de marche, il me faudrait faire une pause d’une journée complète ici. Mais ça devrait tenir.

Je suis accueilli par le gardien et son gros chien tout gentil. Il me donne les indications classiques : le cottage, le bois, l’eau, les toilettes. Je ne vais pas marcher davantage cet après-midi pour me ménager. Dommage. Je serais bien allé voir le village Same un peu plus loin, au bord de la rivière. Je me contente de prendre des photos du site et d’admirer la vue. Et bien sûr, écouter le silence. Je vais voir le gardien pour lui régler la nuitée. Il m’informe qu’en France, dixit la petite radio qui est allumée sur sa table, un élève aurait tué un de ses professeurs dans une école. Il n’en sait pas plus. Il a entendu ça de loin. Là encore, je réalise à quel point je suis déconnecté du monde réel. Je me renseigne sur la couverture réseau des téléphones portables. Il me dit que je devrais entrer dans la zone de couverture d’ici quelques kilomètres demain matin. J’enverrai quelques SMS pour informer de ma position et donner des nouvelles. J’espère que personne ne s’inquiète.

Pour l’instant, je suis seul dans le refuge. Il me faut du bois. La caisse qui est là ne fera que la soirée. Je ne veux pas la laisser vide en partant demain. Je vais au local à bois. Je coupe. Je fends. Je commence à avoir le coup de main.

Deux jeunes suédois arrivent de Sälka en ski. Nous serons donc trois ce soir. Ils sont sympas (faut-il le préciser). Nous discutons longuement. Il n’est pas 17h qu’ils sont déjà en train de dîner. Moi je suis devant mon café est mes petits gâteaux. Sont fous ces suédois

Malgré un ciel bien dégagé cette nuit, on ne voit que les étoiles. Tout juste un arc auroral à l’horizon, très faible et statique. Ça ne donnera rien ce soir.

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Jour 9. Premiers signes de civilisation moderne.

Singi – Kebnekaise. 14 km.

Après une bonne nuit et les « travaux » rituels au refuge, je prends la route à 8h15. 2 km de grimpette pour me mettre en jambe. Je commence à gagner en endurance. Je suis moins essoufflé. J’ai trouvé le bon rythme avec la pulka. Le temps n’est pas terrible. Il neige un peu. Tout est blanc, du sol au ciel. Les massifs se confondent avec le ciel. Même au sol, j’ai du mal à voir les traces des motoneiges et les sillons qu’ils ont faits. On appelle ce type de temps « un jour blanc ». Ça peut être assez dangereux (je ne l’apprendrai qu’à mon arrivée). Le problème c’est qu’on perd toute notion de relief. En marchant, je suis incapable de dire si je vais mettre le pied sur une bosse ou dans un trou, ni même la profondeur de l’obstacle (5 cm ou 50 cm).

Pendant que je me préparais, j’ai vu descendre 4 ou 5 motoneiges de l’armée. En cours de route, je vais croiser plusieurs engins à chenille et d’autres motoneiges. Toute la journée, je vais marcher sur la piste que les militaires utilisent pour rejoindre la zone du crash de l’avion. Et ce soir, je dors à Kebnekaise, là où est installé le QG de l’armée. Le gardien de Singi qui est venu me dire au revoir (et me donner la météo), m’a dit que je risquais de rencontrer du monde.

J’entre dans une vallée beaucoup plus étroite que celles que j’ai traversées jusque là. C’est très beau. Dommage que le ciel soit si bas. Je ne vois pas le sommet des massifs. La vue est bouchée. J’avance, mais sans la motivation de ces derniers jours. Je sais que ce que je vais trouver à Kebnekaise ne va pas me plaire. Le gardien me disait « vous allez voir, c’est immense comparé à ici. Hôtel, restaurant, eau courant, électricité
tout le confort moderne ». Je commençais à m’habituer à couper du bois, allumer le poêle (qui m’a pris du temps ce matin d’ailleurs), jouer avec les bassines d’eau
J’avance sous la neige. Il fait -8°C. Lorsque je suis à l’abri du vent, j’ai chaud. Je retire mes moufles et ouvre le haut de ma veste. Mes sous-gants sont morts ! Je crois que tous les doigts voient je jour ! Je m’arrête à midi pour déjeuner. Ce midi encore, j’avais décidé de sortir le réchaud pour manger chaud. J’avais préchauffé l’eau au refuge ce matin. La bouteille thermos l’a bien conservée. Du coup, ça a été rapide pour la faire bouillir. Pendant ce temps-là, j’allume mon téléphone. Il y a du réseau ! Je passe un coup fil à maman pour la rassurer. J’appelle ensuite Annette pour lui donner ma position et mon programme pour les jours à venir. On fera un nouveau point demain. Au moment où je m’apprête à repartir, une motoneige avec sa remorque arrive. C’est un lapon de Nikkaluokta qui a fait un petit écart pour venir me saluer et me demander si tout allait bien (toujours ce monde parallèle). Il donne un coup d’accélérateur. Sa remorque passe sur une congère et chavire. Du coup, c’est lui qui a besoin d’aide. Je l’aide donc à décharger toute sa cargaison « j’ai toute ma vie là-dedans » me dit-il. Une fois allégée, nous remettons la remorque sur ses skis (oui, même les remorques n’ont pas de roues). Je l’aide à refaire son chargement. Enchanté du coup de main, ce qui est la moindre des choses, il me souhaite un bon voyage. J’ai remarqué dans son chargement, une paire de skis, un jerrican d’essence, et une boîte de nourriture. Tout le nécessaire en cas de panne dans ce désert polaire. Quand on voit le mal que les militaires ont eu à repérer un avion dans les massifs, autant dire qu’une motoneige en panne est impossible à localiser. On ne peut compter que sur soi dès lors qu’on quitte la piste.

Au loin j’aperçois un grand mat. Ça ressemble à un relai téléphonique. Dans la vallée, une succession de poteaux électriques. La modernité. La voilà donc. J’y arrive. Je ne vois pas encore le site de Kebnekaise. Je vois aussi un hélicoptère au sol. Je suis à 30 minutes de marche.

Comme prévu, ça ne me plait pas du tout. Il y a tout d’abord tous ces hommes en uniforme. Toute cette agitation. Toutes ces motoneiges bien garées, des tentes mess ici et là. De grands bâtiments éparpillés
Mon arrivée est remarquée. Tout le monde semble se demander qui est cet hurluberlu qui arrive comme ça, en raquettes et avec sa pulka.

Pour bien comprendre ce site, il faut savoir que c’est le point de départ pour l’ascension du toit de la Suède. Le Kebnekaise est le plus haut sommet du pays. A 2111 m d’altitude. Ça ressemble un peu à une station de sport d’hiver, avec location de matériel, restaurant, hôtel
L’activité de la station est perturbée du fait de la présence militaire qui occupe les dortoirs. Pour l’instant, je n’ai pas croisé de voyageurs. Juste des militaires, des policiers et des journalistes. Aujourd’hui, j’ai très mal à mon genou. Il faut que je le soigne. Pommade, étirements et chaleur.

Que la soirée est longue ici. Ça fait une semaine que je n’ai pas vu autant de monde, et pourtant je n’ai jamais été aussi seul. En fait, l’accès à Kebnekaise est interdit depuis Nikkaluokta. Aucun randonneur ne peut donc venir de l’est. Quant au chemin que j’ai pris, j’étais le seul à partir de Singi ce matin. Les deux suédois avec qui j’ai passé la soirée, restaient en repos là-bas. L’un d’eux avait une ampoule au talon, grosse comme une pièce de deux euros ! A moins que quelqu’un n’arrive de Sälka et se fasse deux étapes en une, mais vu la météo, j’en doute. Alors voilà, je suis seul parmi les militaires, policiers et journalistes. Durant cette aventure, j’aurais rencontré beaucoup de monde, beaucoup d’allemands, mais aussi des suédois, écossais, belges, chinois (uniquement à l’auberge d’Abisko), et des français. Je me suis fait la remarque que je ne connais pas la profession d’aucune de ces personnes. Nous avions tous en commun le goût de l’aventure, du voyage, des grands espaces et de la nature. Chacun a raconté ce qui l’avait amené ici. D’où il vient, où il va. Quel itinéraire il va suivre.

Parenthèse amusante : au moment où j’écris ces mots, il commence à faire sombre dans la pièce. Alors que je regardais la table en me disant « tiens, il n’y a pas de bougie », quelqu’un entre et allume la lumière, me faisant la remarque que j’y verrai mieux ainsi. L’électricité ! Ce soir je ne sors pas la lampe frontale. J’aimais bien cette ambiance intime des refuges. Tous rassemblés autour des bougies et du poêle à bois. Bon sang, ça me manque déjà.

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Jour 10. Le jour de l’arrivée

Kebnekaise – Nikkaluokta. 19 km.

Après une bonne nuit dans la station de Kebnekaise, je me réveille en entendant le vent dehors. Pour la première fois depuis plus d’une semaine, inutile de m’habiller chaudement pour aller aux toilettes, ni de corvée d’eau, ni de poêle à allumer. C’est quand même pratique le progrès ! 8h pétantes. C’est sensé être mon avant-dernière étape. La distance qui sépare Kebnekaise et Nikkaluokta, la ville d’arrivée de mon aventure, est à 19 km. Ça fait beaucoup. Sur la carte, j’ai repéré une petite hutte à 14 km de là. Ainsi, demain matin, je ferai les 5 km restants. Le vent tourne en blizzard. Pratiquement aussi fort que la semaine dernière lorsque j’étais à Alesjaure. Mais aujourd’hui, il est avec moi. Il me pousse d’ailleurs sacrément fort par moment. Tant et si bien que je ne sens même plus la pulka derrière moi. La piste a été damée par les militaires. J’ai croisé leur engin en route. Aujourd’hui, je partage la piste avec les motoneiges. Ce n’est plus un secteur réservé aux randonneurs. Et le trafic est important. Outre les va-et-vient des militaires, il y a ceux qui rejoignent Kebnekaise pour y travailler je pense, les taxi-motoneiges, les services de ravitaillement de la station
La vue est tout aussi bouchée qu’hier mais ce n’est pas un « jour blanc ». Le secteur est boisé, mais toujours pas de trace d’animaux. Malgré une forte douleur au genou, dont la nuit n’aura rien changé, ma progression est bonne, poussé par le vent. La neige est horrible. Ce matin elle colle. Je suis sans arrêt en train de faire claquer mes raquettes pour faire tomber la neige qui s’accumule dessous.

10h30. Une premier arrêt casse-croute dans une cabane non indiquée sur la carte. 12h. J’arrive à l’endroit où se trouve la hutte qui était ma destination du jour. J’avais prévu d’y faire étape. Il y a plusieurs cabanes, situées en bordure du lac. Deux bateaux, pris dans la glace et la neige, sont amarrés non loin de là. Des gens viennent d’arriver en motoneige. Je vais à leur rencontre pour demander où se trouve la hutte. « Elle est là, mais elle est fermée. Il faut aller à Nikkaluokta. C’est à seulement une heure et demie de marche ». Il est gentil lui, il n’a pas mal au genou. Il m’indique une colline à 500 m où je serai à l’abri du vent pour déjeuner. Je ne prends pas la peine de sortir le thermomètre, mais je sais qu’il fait froid. Je déjeune donc assez vite. Je passe un coup de fil à Annette et Pascal pour les informer de mon arrivée, plus tôt que prévu, à Nikka. Changement de programme donc. Que faire ? Passer la nuit à Nikka ou attraper le bus de 16h15 et dormir à Kiruna ? Si Nikkaluokta est comme Kebnekaise, je rentre à Kiruna. Ainsi, demain, je pourrai me reposer.

13h. Je me remets en route. A 14h15, je me trouve devant le panneau « NIKKALUOKTA ». Et derrière le panneau, un village Same, avec des constructions en bois rouges. Rien à voir avec Kebnekaise. J’y suis donc. Me voilà à Nikkaluokta, avec un jour d’avance. 19 km aujourd’hui et 129 au total. C’est une grande satisfaction personnelle d’être là ; d’avoir réalisé cette aventure. J’avance jusqu’au bâtiment principal. Je consulte les différentes informations à l’entrée : horaires des bus pour Kiruna (12h et 16h15), tarifs des hébergements. 450 couronnes pour la nuit en cottage (eau, toilettes, douche et sauna sont dans le bâtiment de service). C’est cher, mais je reste.

Au moment où je règle la note à l’accueil, je reçois une petite tape sur l’épaule, et là, je vois Annette et Pascal, venus de Kiruna, spécialement pour assister à mon arrivée. Je les ai un peu pris de court. Ils avaient prévu les raquettes pour venir au-devant de moi. Quelle surprise merveilleuse. Je ne m’attendais pas à les voir ici. Ils sont venus partager ma joie d’être arrivé à faire ce voyage. Nous nous installons dans la grande salle du restaurant, où nous passons le reste de l’après-midi autour d’un café et d’un morceau de gâteau. En musique de fond, le joïk (prononcez [yoïk]), chant traditionnel Same. Je raconte mon aventure, mon itinéraire, mois joies, mes galères. Nous regardons quelques photos rapidement. Puis Annette et Pascal me font visiter la structure hôtelière dans laquelle nous nous trouvons, avec les portraits des grands noms de la culture Same, des objets typiques
Après que nous nous soyons séparés, je profite d’un bon sauna.

Comme pour fêter mon arrivée et la fin de cette aventure, le ciel s’est dégagé, et c’est une féérie d’aurores boréales à laquelle j’ai assisté. C’est vers 22h30 que le ciel a « explosé ». Le ciel était tellement illuminé de ces aurores vertes et pourpres, dansant à une vitesse incroyable, qu’on voyait sans aucun problème chaque bâtiment du village, et tous les massifs qui l’entourent. J’en avais mal au cou à force de lever la tête pour voir ce qui se passait à l’aplomb de moi. Je tournais sur moi-même pour essayer de tout voir. Imaginez un feu d’artifice, aux quatre coins du ciel, et là, « oh superbe », et là aussi « que c’est beau », « mon Dieu j’avais pas vu ici ! ». Ça recommence encore là
Ça ne va pas s’arrêter ! Mes amis, ma famille, comment vous faire partager ce spectacle ? L’ampleur du phénomène est telle qu’il est impossible de filmer, et une photo ne peut pas traduire le dynamisme de ce ballet. J’ai d’ailleurs rangé mon appareil photo pour profiter du spectacle. En prendre plein les yeux. Mémoriser. 23h. Le spectacle boréal, les lumières polaires comme certains l’appelle, est maintenant terminé. Je ne pouvais rêver mieux pour une fin d’aventure. Et encore merci à Annette et Pascal pour leur surprise.

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23 mars. Nikkaluokta. 0 km !

Excellente nuit dans ce petit cottage. Réveillé à 5h30 par le soleil. Les jours allongent, allongent. Ce matin, j’ai donc flâné dans le petit village de Nikka. Le ciel est bien dégagé, et depuis la butte où se trouve la chapelle, on a une très belle vue sur les massifs tout autour. A présent, j’attends tranquillement le bus qui va me ramener à Kiruna. Ce soir, je dors à la Tommy’s House, comme à l’aller.

Cet après-midi, il me faut ramener ma pulka à Intersport, et trouver une solution pour me rendre à l’aéroport demain matin. Je décolle à 7h15. Vers 13h, j’arrive donc à Kiruna. Je constate qu’en l’espace de deux semaines, la neige a beaucoup fondue. Les routes sont noires. Je vais déposer mes affaires chez Tommy, et restitue la pulka, ma fidèle compagne durant 10 jours. Je l’aurai maudite au début tant elle freinait et me donnait des coups à chaque irrégularité du terrain. Puis progressivement, j’ai su l’adopter. Anticiper ses coups de frein et ses accélérations. J’ai su trouver les meilleurs endroits de la piste pour qu’elle glisse mieux. Tant et si bien, que durant les derniers jours, je ne la sentais, pour ainsi dire, plus. Elle était mon équipière et l’entente était finalement bonne. Je ne regrette pas mon choix. Porter mon sac à dos aurait été bien plus fatigant je pense. Chez Tommy, un couple de polonais arrive un peu après moi. Nous étions dans le même bus entre Nikka et Kiruna. Ils ont eux aussi leur avion à 7h15 demain matin. Le même avion pour Stockholm. Nous nous organisons pour nous rendre à l’aéroport. Ils me proposent de réserver un taxi et de partager la course. Bonne idée. C’est réglé.

Je retrouve Pascal et Annette pour le reste de la journée. Nous cherchons un petit drapeau du Sàpmi pour compléter ma collection. Sans succès. Puis nous allons nous promener dans un petit village où se trouve l’hôtel de glace. Il s’agit d’un hôtel entièrement fait de glace et de neige tassée. C’est très joli. Annette tient à me faire visiter une des plus anciennes églises lapones (400 ans). Malheureusement fermée. Puis, nous finirons la soirée autour d’un bon repas, à parler de sujets variés, mais surtout de la culture, des cultures, des Sames, de ces régions polaires, si belles, si accueillantes lorsqu’on les connaît, et si hostiles malgré tout.

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24 mars. Laponie – Provence. 3500 km…

Et bien voilà une nouvelle page qui se tourne. J’arrive à la fin de mon cahier. Quelle belle aventure une fois de plus. Je garderai en mémoire que les bons moments bien sûr, et ils sont nombreux. Et ils sont beaux. Parcourir la Kungsleden n’est pas un événement extraordinaire. Je n’ai pas marché sur la lune ni même gravi l’Everest. Mais pour moi qui ne suis pas un montagnard et qui n’avais jamais réalisé de trek comme ça (je ne considère pas l’aventure du Cap Nord comme un trek), je suis très satisfait. Ma préparation était bonne. J’ai des enseignements à tirer de cette expérience, afin de repartir de plus belle, aussi vite que possible, vers de nouvelles aventures.

 

Les faits marquants

  • J’ai perdu mon masque de ski et ça m’a beaucoup agacé
  • Le blizzard et l’attente à Alesjaure.
  • Le doute et la fatigue de la 3ème étape.
  • L’étape insolite dans la hutte de Radunjarga
  • Les paysages
  • Le silence
  • L’absence d’animaux
  • L’ambiance et la vie dans les refuges
  • Les rencontres avec les voyageurs, les gardiens des refuges, les lagopèdes
  • Le crash de l’avion militaire
  • Les aurores boréales à Nikkaluokta
  • La surprise d’Annette et Pascal à l’arrivée

 

En vrac…

  • Il me faut davantage de café la prochaine fois
  • J’ai appris à économiser l’eau
  • J’ai appris à vivre sans électricité
  • Le « papy » de 70 ans qui avait une bonne foulée en ski au départ de Sälka est en fait un ancien champion Olympique allemand !
  • Revoir l’isolation thermique du sol pour le bivouac
  • Mon crayon de papier a souffert, mais au moins, l’encre n’a pas gelée
  • Il n’a pas fait froid (-16°C au plus bas)

 

KungsledenLe parcours réalisé

Initialement, le parcours devait faire environ 100 km. Mais, bien qu’ayant été bloqué deux demi-journées à Alesjaure à cause du blizzard, je me suis retrouvé avec 2 jours d’avance. En fait, j’avais compté une vingtaine de kilomètres entre chaque étapes, alors qu’il n’y a en réalité que 12 ou 13 kilomètres. J’ai donc bien avancé. Du coup, j’ai fait un petit détour vers Kaitum, un peu plus au sud. Je ne regrette d’ailleurs pas d’avoir fait ce petit aller-retour entre Singi et Kaitum, car le paysage était assez différent et très joli. Voici la carte définitive.

 

 

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