Abisko – février 2011
Avant de partir – septembre 2010
C’est reparti ! Cette fois, je mets le cap en Suède, à Abisko. Toujours au-delà du cercle polaire, cette ville serait un des meilleurs point de vue du monde pour observer les aurores boréales. Le ciel est dégagé une grande partie de l’année, les nuages étant bloqués sur les îles Lofoten en Norvège. Et ça, j’en sais quelque chose, pour les avoir vu ces fameux nuages ce mois de juin 2010.
Voilà donc des vacances à la neige, pas tout à fait ordinaires. Objectifs du voyage : observer et photographier les aurores boréales, randonnées en raquette ou ski de fond, balade en traîneau (tiré par des chiens)… J’ai réservé l’auberge de jeunesse d’Abisko et les billets d’avion (reste 2 nuits à Stockholm à réserver). L’auberge d’Abisko proposent même toutes les activités que je souhaite faire.
Quelques détails sur cette région du monde en février :
- lever du soleil : 9h, coucher : 15h
- températures : entre -9°C et -35°C
- 2 mètres de neige
Dates :
- 02 février : départ de Marseille pour Stockholm (via Frankfort)
- 03 février : Stockholm – Abisko
- 08 février : Abisko – Stockholm
- 09 février : Stockholm – Marseille (via Munich)
Le 2 février, je serai en transit à Stockholm. Arrivant relativement tard et repartant tôt le lendemain pour le nord, je n’aurai pas le temps de profiter de la ville. Cherchant une auberge de jeunesse sur Stockholm pour cette nuit-là, je suis tombé sur cette originalité : le Jumbo Hostel.
Il s’agit d’un Boeing 747, que j’avais déjà remarqué lors de mes précédents séjours dans la capitale suédoise. Il est posé sur une butte à la sortie de l’aéroport. Il s’agit donc d’une AJ (plutôt class). J’y ai donc réservé un lit. Après avoir passé une nuit dans un aéroport en Norvège, voilà que je vais dormir dans un 747 !
Octobre 2010
Après quels déboires avec la compagnie Norwegian qui a décidé de supprimer sa liaison Stockholm-Kiruna dès janvier 2011, il m’a fallu trouver une solution de repli pour effectuer le trajet. C’est finalement avec la compagnie Scandinave SAS que je voyagerai.
J’ai par ailleurs, réservé la dernière nuit à Stockholm. Une auberge de jeunesse en plein centre ville. Tout est donc réservé. Il me reste à acheter des vêtements chauds (très chauds). J’ai lu, encore aujourd’hui, sur des blogs de voyageurs, que le froid a parfois écourté les randonnées ou soirées d’observation des aurores boréales. Certains parlent de températures descendues à -38°C à 23h en février 2009, et précisent qu’ils n’étaient vêtus que de pantalons légers. Une fois de plus, je me rappelle les mots du guide du routard « il n’y a pas de mauvais climat, juste des vêtements pas adaptés ». J’ai un avantage de taille : mon bureau est situé juste au-dessus d’un entrepôt de stockage à -20°C. J’envisage dores et déjà de tester mes équipements là-bas.
Concernant l’auberge d’Abisko, et après quelques échanges bien sympathiques par mail, j’ai réservé une activité packagées : raquettes, chiens de traineau, observation des aurores. Ca fait rêver !
Décembre 2010
Et bien voilà, j’ai fait le test de froid. J’ai passé 45 minutes dans la chambre de stockage d’Ebrex Logistique, à -22°C. Seuls mes orteils ont ressenti le froid. Il faut donc que j’améliore la solution. La grosse paire de chaussettes en laine ne suffit pas tout à fait. J’achèterai les sous-chaussettes que j’avais vues dans un magasin spécialisé à Marseille, et où j’ai acheté mes moufles.
Voilà comment j’étais habillé :
- chaussettes épaisses en laine et chaussures de rando montantes
- collant polaire + jean’s + surpantalon (Décathlon)
- maillot de corps (matière réchauffante) + sous-pull + pull laine + parka « Anapurna »
- sous-gants « Odlo » + moufles « North Face »
- cagoule + écharpe + capuche de la parka
Un grand merci à Ebrex Salon de Provence, son directeur et son équipe,
pour m’avoir autorisé à effectuer ce test.
29 Janvier 2011
Les réseaux sociaux peuvent avoir beaucoup de défauts s’ils sont mal utilisés. L’inverse est vrai aussi. D’ailleurs, c’est pour ça qu’ils ont été créés non !? J’ai ainsi pu entrer en contact avec Annette et Pascal, deux Français installés à quelques kilomètres de Kiruna. Après plusieurs échanges de mails particulièrement intéressants, j’aurai l’occasion de pouvoir les rencontrer sur place. Le dernier mail que j’ai reçu ce soir, m’a fait apparaître un problème de taille dans l’organisation de mon voyage : les villes d’Abisko (mon point de chute) et Kiruna (où se trouve l’aéroport) sont distantes d’une centaine de kilomètres. J’avais lu que le transfert d’une ville à l’autre était simple : bus et trains. Ce que je n’avais pas lu, et merci à Annette et Pascal de me l’avoir indiqué, c’est qu’il n’y a que très peu de trains et de bus, et que les horaires sont assez « fantaisistes ».
A mon arrivée le 03, je n’aurai qu’une heure pour passer de l’aéroport à la gare. C’est gérable. En revanche, au retour, je dois prendre un vol à 12h15. Le premier train entre Abisko et Kiruna arrive à 12h05 ! C’est donc mort. Il faut donc changer de programme. J’en reviens pas ! Je suis à 4 jours du départ, et je n’avais pas imaginé ça possible pour m’en inquiéter… Donc, je quitterai Abisko la veille au soir, par le dernier train, pour rejoindre Kiruna, où je vais réserver un lit dans l’auberge de jeunesse. Il faut donc que je modifie mon programme à Abisko, puisque c’est justement ce jour-là que je devais faire une randonnée avec chiens de traineau. J’en discuterai avec l’AJ, une fois sur place. Chaque problème a sa solution. Mais je n’aime pas trop les imprévus quand même.
Le sac est pratiquement prêt. Départ dans 3 jours ! La tension monte. Ce n’est pas une expédition très lointaine, et je ne pars pas très longtemps. Pourtant, j’ai rarement connu autant de tension avant un départ. Ce qui est particulier cette fois-ci, c’est le trajet. Abisko est un village difficile d’accès depuis Salon de Provence.
Voyez plutôt : mercredi matin : départ de Salon en bus pour l’aéroport de Marseille. Puis un premier vol vers Frankfort, un second vol vers Stockholm. Après une nuit dans la capitale suédoise, un 3ème avion pour Kiruna, et enfin, un train pour Abisko ! Même chose au retour. Et bien sûr, pour organiser tout ça, il faut que les horaires correspondent. Mais bon, maintenant, je pense que tout est bon.
Je finalise l’entrainement !
L’aventure commence !
Préambule
Je n’ai pas le souvenir d’avoir stressé autant avant le départ d’un voyage. J’ai eu maintes et maintes choses à préparer, à prévoir, à tester. Chaque jour, et durant des semaines, je me suis demandé ce qui allait bien pouvoir manquer, ou ne pas coller.
J’ai dû lire une bonne dizaine de blogs, sur internet, de voyageurs qui se sont rendus en Laponie à cette saison. J’ai lu plein d’informations, parfois contradictoires. Mais il y avait une constante : le froid ! J’ai donc prévu tout l’équipement nécessaire, du bout des orteils jusqu’à la pointe des cheveux. Quant au voyage lui-même, il n’est pas simple : bus, avions, trains. Il fallait que toutes les correspondances se fassent. Mais cette fois-ci, j’y suis. La date tant attendue est arrivée. Mon sac est fait depuis dimanche.
Mon bus qui part du centre de Salon pour aller à l’aéroport de Marignane, part à 7h50. Je pars donc de chez moi à pied à 7h30. Il me faut 1h30 pour me préparer (oui, je suis lent le matin). Je mets donc mon réveil à 5h.
02 février
Mais bordel, pourquoi 5h ? C’était 6h la bonne heure ! Donc à 5h, l’heure où Paris s’éveille, j’en fais autant. Difficilement. Je me prépare au radar. Quand arrive 6h10, que je suis fin prêt, je réalise que j’ai donc 1h20 d’avance. Et ben, ça commence bien. Bravo le pro de l’organisation. Cela dit, il vaut mieux que ce soit dans ce sens-là.
Finalement, j’écris ces lignes depuis le Jumbo Hostel, ce fameux Boeing 747 réaménagé en auberge de jeunesse un peu luxueuse tout de même. Je suis donc à Stockholm. Me voici pour la 3ème fois dans la capitale suédoise. Mais je n’y suis qu’en transit. J’ai un autre avion demain matin pour Kiruna.Donc ce matin, départ de Salon en bus, puis un premier vol vers Frankfort où j’ai patienté un peu plus de 3 heures pour avoir ma correspondance. Cet aéroport est immense. Très comparable à Roissy. Il faut faire des kilomètres pour aller d’un terminal à un autre. A 16h, décollage pour Stockholm où j’ai atterri 2 heures plus tard.
Comme je l’avais remarqué sur les webcams publiques que je regarde régulièrement, je trouve qu’il y a assez peu de neige. L’an dernier, à la même période, tout était recouvert de blanc. Je n’ai pas eu trop froid en sortant de l’aéroport. Pourtant le sol est verglacé. Le chemin qui mène au Jumbo Hostel est très glissant.
Le Jumbo Hostel justement, parlons-en. J’avais été intrigué en cherchant un hébergement à proximité de l’aéroport pour cette nuit-là. C’est tout simplement génial. Un gros 747, planté là, sur une butte à l’extérieur de l’aéroport. Tout a été aménagé. Il y a un long couloir qui traverse tout l’appareil, desservant les chambres de chaque côté. Pour l’instant, je suis seul dans mon “dortoir” de 4 lits. Tout est propre et tout semble récent. Le petit réfectoire à l’avant de l’appareil m’a permis de dîner ce soir. Et devinez quel fût mon menu pour cette première soirée en Scandinavie pour 2011 ? Du saumon bien sûr ! Un pavé fameux, avec du blé.
Je note une nouvelle fois l’accueil chaleureux à la suédoise : je ne trouvais pas le chemin pour venir à pied de l’aéroport à l’hôtel. On m’a alors accompagné jusqu’à l’arrêt de bus gratuit qui passe devant.
Bientôt 20h30. Je vais aller me reposer. Je suis debout depuis 5h, et je commence à fatiguer.
03 février
Bonne nuit reposante dans ce Jumbo. Je sors pour rejoindre l’aéroport en reprenant le même bus qui m’avait conduit ici. Il est presque 9h et le soleil n’est pas encore levé. Le ciel est bas. Il tombe 3 goutes de pluie mais rien de grave. Il fait à peine 2°C.
11h20. Mon avion décolle, et déjà nous faisons route plein nord. Avant de traverser la couche de nuages, je peux constater qu’il y a effectivement beaucoup moins de neige que l’an dernier. Je me souviens des routes qui étaient déneigées et au bord desquelles on voyait des murs de neige d’au moins 50 cm. Il n’en est rien aujourd’hui. Les toits des maisons laissent voir leur couleur rouge et les champs ne sont pas totalement recouverts.
Je ne pensais pas qu’autant de monde montait dans le nord. Le Boeing 737 de la SAS est complet. Il doit contenir environ 180 passagers. Il est vrai que Kiruna est une ville importante : 18000 habitants ! Il s’agit d’une ville minière où l’on extrait le fer. C’est la première mine au monde avec plus d’un milliard de tonnes extraites en 110 ans. Depuis 1965, la mine est devenue souterraine, jusqu’alors à ciel ouvert. Les galeries les plus profondes sont à 1045 mètres sous terre et s’étendent sur plusieurs centaines de kilomètres. Toutefois, la poursuite de l’exploitation de la mine entraînerait l’effondrement de la ville. Mais les enjeux économiques sont tels qu’en 2009, la décision de déplacer la ville est prise. Il faudra déplacer la voie ferrée, l’autoroute, les réseaux électriques et canalisations
Devant l’ampleur de la tâche, le chantier sera étalé sur plusieurs dizaines d’années
J’aurai l’occasion de constater, durant mon séjour, la résonnance et les vibrations causées par les explosions au beau milieu de la nuit.
Dans l’avion, j’ai aperçu quelques français. J’irai à leur rencontre à notre arrivée. Peut-être avons-nous la même destination. Toutefois, je suis attendu à Kiruna. Annette et Pascal doivent m’amener à la gare. Je regrette de n’avoir qu’une petite heure pour faire leur connaissance. J’ai tellement de questions à leur poser sur leur vie ici, leurs projets… Mais je ne dois pas manquer ce seul et unique train de l’après-midi qui doit m’emmener à Abisko.
18h30. Me voici de nouveau au-delà sur cercle polaire, pour la seconde fois de ma vie. Quelle sensation une fois de plus. Le vol entre Stockholm et Kiruna s’est bien déroulé. Au-dessus des nuages tout du long. Aucun paysage à voir. Juste des nuages. L’approche de Kiruna fût exceptionnelle. Imaginez plutôt : un paysage qui apparaît soudain. Blanc. Recouvert de neige et de givre. Tout est blanc, très blanc. Il semble faire froid ! L’avion atterri sur une piste à peine déneigée. Les réacteurs forment un nuage de neige incroyable. Je viens de me poser sur le petit aéroport de Kiruna. A la descente de l’avion, je me souviens mon arrivée à Evenes l’été dernier (la neige en moins), sur cet aéroport du bout du monde. L’avion s’immobilise devant le terminal. Des techniciens s’affairent autour de l’appareil et déjà un énorme chasse-neige retourne nettoyer la piste. Mes yeux s’écarquillent devant ce paysage immaculé de blanc. Il règne un silence profond, tout juste perturbé par la joie des passagers qui, comme moi, découvrent ce spectacle. La température affichée sur la façade de l’aérogare est de -9°C. Il neige une sorte de paillettes qui forment une épaisse couche de neige qui craque sous les pieds. Annette et Pascal m’accueillent à l’intérieur.
Quelle joie de les rencontrer enfin, après de nombreux échanges par mail. Je récupère mon sac et nous prenons la route pour la gare. Je suis surpris de l’aisance de la conduite de Pascal sur la neige. En France, avec 3 flocons nous avançons à une allure qui énerve les escargots, alors obligés de ralentir ! Il faut dire qu’ici les voitures sont équipées de pneus à clous. Arrivée à la gare. Le train aura finalement une heure de retard. Il semble que ce soit plutôt courant ici. Mais ce retard me va plutôt bien, puisque j’ai pu passer davantage de temps avec Annette et Pascal. Ce train m’amène à Abisko, mon lieu de villégiature pour quelques jours. Nous traversons un paysage toujours aussi blanc. J’ai hâte d’être à demain afin de pouvoir commencer à faire des balades et découvrir cette région. J’arrive à l’auberge de jeunesse que je trouve très facilement grâce aux indications trouvées sur leur site internet. Le responsable de l’auberge, un certain Örjan m’accueille et me dit que d’autres hôtes doivent arriver par le même train. Il me fait donc patienter quelques minutes afin de donner les consignes à tout le monde en même temps. Une dizaine d’étudiants Erasmus débarquent. Notamment des allemandes et des français. Ils sont arrivés en Suède depuis 2 semaines pour faire des études d’ingénierie textile (si j’ai bien compris), à côté de Göteborg. Ils ont décidé, pour commencer leur cycle d’études, d’aller voir les aurores boréales. Örjan commence par nous expliquer qu’ici, on économise l’eau chaude : comment laver la vaisselle, comment prendre une douche. Il nous parle des activités : dogsledding (randonnées avec chiens de traineau). J’avais réservé une rando “longue” de 4 heures pour lundi prochain. Örjan viendra me voir plus tard dans la soirée, embêté : il a un problème pour faire la rando de 4 heures, car il lui manque un équipage. Il me propose une rando de 2 heures, qu’il m’offre. J’accepte. Il est ravi me serre la main. Il appelle immédiatement son collègue au téléphone pour lui dire qu’un deal a été trouvé et que tout est arrangé. Il propose aussi d’autres activités telles que la pêche sur le lac gelé, spéléo, escalade sur mur de glace. Et le sauna. Alors là, il y a un chapitre à écrire ! Après nous avoir expliqué que pour des raisons d’économie d’eau chaude, il faut choisir entre douche et sauna, il nous donne le règlement du sauna : il n’y a que 7 places à l’intérieur. En entrant, on se verse une bassine d’eau sur la tête pour se mouiller. On se savonne. On se rince avec une autre bassine d’eau. Il y a en fait une grande réserve d’eau chauffée par le poêle à bois. Des bidons d’eau froide permettent de régler la température. On profite de la chaleur du sauna qui est à 55°C. On peut verser de l’eau sur les pierres brûlantes du poêle pour dégager de la vapeur étouffante et faire monter la température d’une dizaine de degrés. Et lorsque tout le monde est à point, on sort se rouler dans la neige dehors. J’avais lu sur internet, que les saunas suédois sont à faire absolument. Jusque là, tout le monde était ravi et s’impatientait de tester ça dès ce soir. Dernière précision de Örjan : le sauna est mixte. Ah non, en fait, c’était l’avant-dernière précision. Parce que le bouquet final est que, par mesure d’hygiène et pour éviter les brûlures, aucun vêtement n’est autorisé à l’intérieur. Et là, d’un coup, les étudiants commencent à déchanter. Je connaissais ces règles pour les avoir lu sur les blogs de ceux qui sont déjà venus dans cette auberge. Alors qu’Örjan commençait à organiser les deux sessions de la soirée, la première à 18h et l’autre à 19h30, les négociations commencent : « on peut quand même mettre une serviette ? ». Réponse « No clothes in the sauna ». Du coup, tout le monde s’est donnée 24h pour réfléchir. Les mecs étaient partants, mais pas les filles ! 18h, c’était trop tôt pour moi de toute façon. Il fallait que j’aille faire des courses au supermarché, et que je mange. Me voilà donc parti au supermarché. Rien ne me plaît. C’est comme en Norvège. J’ai quand même trouvé une soupe surgelée et des yaourts pour ce soir. J’ai pris du pain, du café et du jus de fruits pour demain matin. Demain midi, je verrai. De retour à l’AJ, je dîne en compagnie d’une chinoise pas bavarde. Örjan vient discuter un peu avec moi et me dit qu’il y a une place dans le sauna à 19h30. OK. Il m’explique qu’il y a 6 étudiants espagnols à l’étage qui m’expliqueront le fonctionnement.
19h30. Les espagnols, prévenus que je me joindrais à eux, viennent donc me chercher et nous allons de l’autre côté de la cours. On entre dans une petite pièce éclairée par 2 bougies. Des bois de renne servent de porte-manteau. Si le sauna est très agréable, les roulades dans la neige sont plutôt saisissantes. Dire que c’est agréable serait un peu exagéré quand même. Mais il fait tellement chaud dans le sauna, qu’il est impossible d’y rester plus de vingt minutes. Jusqu’à 21h, nous avons, à 4 ou 5 reprises, fait le petit manège sauna-neige, dans la joie et la bonne humeur, chacun se jetant dans la neige glacée en criant, comme pour se donner du courage ! Merci aux 6 espagnols d’avoir fait l’effort de parler anglais, même entre eux, pour que je puisse participer à la conversation. C’est ça l’esprit AJ.
Et les aurores dans tout ça ? Et bien ce soir c’est râpé. Impossible de voir quoi que ce soit. Il neige. Donc le ciel est couvert d’une épaisse couche de nuages qui ne laissera rien passer. Demain peut-être.
04 février
Bon anniversaire maman ! Mes pensées t’arrivent du fin-fond de la Laponie que j’ai commencé à découvrir aujourd’hui. Et je ne suis pas déçu. Réveillé un peu tôt ce matin par les étudiants qui avaient un train de bonne heure pour aller visiter l’hôtel de glace à Kiruna. Les espagnols et les chinois sont partis. Respectivement à Göteborg et à Narvik. Je me suis levé tranquillement vers 7h et pris mon petit déjeuner très français. Vers 8h30, je m’équipe de vêtements chauds puisqu’il neige encore ce matin, et pars en direction du nord d’Abisko, à la Touriststation. Je pensais qu’il s’agissait d’une sorte d’office de tourisme. Mais je n’ai rien trouvé de très intéressant. Après 2 heures de marche, je décide de rentrer à l’auberge pour y déjeuner et faire une petite sieste. J’ai discuté un peu avec un coloc chinois, déçu de n’avoir pas encore vu d’aurores, alors qu’il part demain matin. J’ai relevé la température au cours de la marche : -15°C. Bien couvert comme je l’étais, il n’y a aucun problème. C’est un froid très sec. J’ai même dû enlever mon pull car je transpirais trop. Cet après-midi, je pars en quête des élans. Les espagnols m’ont dit en avoir vu sur les îles au milieu du lac qui borde Abisko. Le lac Torneträsk (c’est son nom) est démesurément long, et totalement gelé. Il ne fait pas moins de 70 km de long, 11 km de large, pour une surface de 332 km2. Aucun problème pour le traverser à pied. Des traces de motoneige sont même visibles. En arrivant au bord du lac, un blizzard balaye la neige. Ayant le visage gelé, je m’arrête pour enfiler ma cagoule, mettre la capuche de ma parka et enfiler les sous-gants. Je me lance donc, pas très rassuré, sur ce lac. Je teste la glace à l’aide de mes bâtons de marche. Ça a l’air solide. Il m’a été dit que la glace avait au moins 50 cm d’épaisseur. Ce n’est pas pour autant une patinoire bien lisse. Il y a des congères de neige et la progression est parfois difficile. Je m’arrête regarder la température ressentie : -32,5°C ! C’est pour ça que j’ai le contour des yeux qui brûlent. J’arrive sur la première île peu intéressante et continue vers la seconde. Je me mets à l’abri un instant pour faire des photos et boire un peu. Aïe, mon eau est gelée. J’arrive tout de même à dévisser le bouchon, casser la glace qui s’est formée dans le goulot. Il reste encore quelques goutes qui ne sont pas transformées en glace. Mais je n’aurai donc plus d’eau pour le reste de l’après-midi. Je n’avais pas pensé à ce détail : l’eau gèle dans le sac à dos… Même mon mouchoir est gelé dans ma poche ! Je me remets en marche à la recherche de bêtes à corne. Il y en a c’est sûr : il y a des petites crottes et des traces d’urine sur la neige. Je décide de suivre ces traces. Elles me mènent à une clairière abritée du vent, où le sol semble dégagé de la neige. On y voit la roche et la mousse que les rennes viennent brouter. Par endroit, je vois des trous creusés dans la neige par ces animaux pour trouver leur nourriture Il s’agit forcément de rennes. Le renne se nourrit de mousse. Il est alors obligé de dégager la neige pour attendre la roche. L’élan quant à lui, se nourrit de bourgeons et de branchage, faisant une taille naturelle aux arbres. J’ouvre grand mes yeux. Ils sont forcément là. Mais je ne les vois pas. Je m’enfonce de plus en plus dans cette neige. Parfois jusqu’au-dessus des genoux. J’en ai même plié un bâton de marche en essayant de me dégager. J’atteints une petite butte. Il me faut rebrousser chemin. Il est 15h. Dans une heure il fera nuit. Alors que je commence à ranger mon appareil photo dans mon sac, j’aperçois deux rennes : une mère et son petit. Mais ils sont assez loin à travers les arbres. Cet animal est très craintif. Alors en plus avec ma parka rouge, ils ont décampé vite fait ! Soudain, sur une crête, deux autres rennes, dont un avec ses grands bois. Superbe. J’espère que les photos seront réussies. Il se fait tard, et je dois rentrer. Je traverse donc en sens inverse ce lac gelé pour regagner la terre ferme. En passant devant le supermarché, je m’y arrête faire quelques provisions pour dîner. Sur le parking, je croise le coloc chinois qui me dit que le ciel est dégagé ce soir et il me montre une étoile. Il me dit qu’on a donc de bonnes chances de voir des aurores. Pour lui, c’est sa dernière soirée, donc sa dernière chance. Nous convenons donc que nous irons au bord du lac vers 21h30, après un bon sauna.
Après dîner, vers 18h (on dîne tôt en Scandinavie), et nettoyé mon appareil photo, qui, malgré toutes les précautions prises, est victime d’humidité, nous allons au sauna. La session de 19h30 a été avancée à 19h. A peine entrés, Örjan vient nous chercher en criant “Northern lights, Northern lights !”. On se regarde tous, alors dans le plus simple appareil. Ok on y va. Örjan nous dit de ne pas perdre de temps à nous habiller. J’attrape tout de même une serviette de bain pour me la passer autour de la taille. Et voilà comment, en ce 4 février 2011, vêtu d’une simple serviette de bain et de claquettes aux pieds, j’ai observé mes premières aurores boréales par des températures très négatives. Rapidement, il faut se rendre à l’évidence : il fait très froid, et je ne suis pas du tout en tenue adéquate. Le sauna sera pour une autre fois. Priorité au ciel ! Une fois chaudement habillé, je sors l’appareil photo et commence à faire quelques clichés. Qu’est ce que c’est beau. Il m’est difficile d’expliquer et de décrire ce que je vois. Une trainée verte qui apparaît dans le ciel étoilé. Puis une sorte de rideau se déroule de façon plus ou moins régulière. Plus loin, c’est un arc très lumineux qui se tortille et qui se déplace assez vite. De cet arc vert, une lumière rose-orangée en sort, donnant un joli relief. On ne sait plus où donner de la tête. C’est l’euphorie dans la cours de l’auberge. Chacun en prend plein les yeux et essaie de capturer ce moment. Nous nous rendons près du lac, là où la lumière du village ne vient pas polluer le ciel. 21h, le ciel devient moins lumineux. Le vent se lève, soulevant la neige au sol. Tout le monde rentre au chaud. Quelle belle soirée !
05 février
Le vent a soufflé toute la nuit. Au petit matin, la neige vole. Je passe un peu de temps à discuter avec les colocataires. Mon genou m’a fait mal hier soir et je le sens encore un peu ce matin. Je marcherai un peu moins aujourd’hui. Malgré le temps, je m’habille très chaudement, et pars à la découverte des sentiers derrière l’auberge. Le vent est coupé par les arbres, et j’ai presque chaud. J’ai marché près d’1h30 dans une neige magnifique. Quels paysages fabuleux. Je n’ai malheureusement pas vu d’élan. Toujours pas.
Changement de coloc à l’AJ. Des chinois sont partis, remplacés par… des chinois. Deux suisses et un couple venu de Mexico arrivent aussi. Les “Erasmus” sont toujours là. Ils sont vraiment très sympas. C’est après-midi, petite marche de 4 km pour aller acheter des cartes postales à la Touriststation. Petit arrêt quotidien au supermarché. Dîner à l’AJ. Un peu de lecture. 19h30, sauna, et peut-être des aurores après. Rien n’est moins sûr puisque le ciel chargé. Chacun prend espoir en apercevant une étoile : “ça se dégage”. Je viens de sortir pour constater par moi-même : effectivement, on voit une étoile. Mais surtout, le vent ne faiblit pas. Et sortir en pantalon et pull relève de l’exploit. Il faut un froid polaire. C’est bien le bon terme. Pourtant, vers 21h30, avec un nouvel arrivant chinois, nous partons à l’aventure, en pleine nuit, à la quête d’aurores. Bien qu’étoilé, le ciel ne nous offrira pas son balai de lumières. Nous avons tout de même fait une bonne balade de 45 min par -18°C.
06 février
Longue journée. J’avais rendez-vous à 8h30 devant l’auberge en tenue “grand froid” pour une balade en chiens de traineau. Finalement, on m’a proposé une place qui venait de se libérer pour la randonnée de 4h. Le temps de saluer une dernière fois les étudiants franco-allemands que j’ai bien apprécié. Ils ont leur train en fin de matinée pour rentrer dans le sud de la Suède, à Borås.
Un groupe de 12 personnes se retrouve au chenil. Les traineaux sont avancés. Thomas, en charge du chenil, nous accueille et nous donne les consignes. Comment “piloter” un traineau, ce qu’il faut faire et ne pas faire, et comment atteler les chiens. Chacun se voit confier 4 harnais et part équiper ses chiens. Ils sont très doux, pas un brin agressif et savent très bien ce qu’on attend d’eux. Quand je commence à leur enfiler le harnais, ils lèvent naturellement les pattes avant, l’une puis l’autre, pour m’aider à passer les sangles. La pression du traineau leur portera au niveau des épaules et sur toute la longueur du dos. Les chiens sont alors attelés aux 12 traineaux. 4 chiens par traineau, dans un respect des équipages : tel chien pour tel traineau et à telle place (avant ou arrière). Les 48 chiens sont prêts et hurlent comme des loups, impatients de l’élancer. Bien que les traineaux soient bien encrés dans la neige, les chiens tirent tellement sur les sangles qu’ils arrivent à les déplacer de quelques centimètres. On ne s’entend plus parler tellement les chiens hurlent. Le départ est donné ! Nous partons à vive allure, les uns derrière les autres. J’ai le pied sur le frein en permanence. Je suis léger et mes chiens tirent très fort. Mais soudain, c’est la panne ! Ou plutôt la casse. Le frein a cédé. Je réussi à stopper mon traineau, alors que les chiens hurlent et tirent quand même, voyant les autres s’éloigner. Örjan qui nous suit en motoneige s’arrête pour constater les dégâts. Une pièce est cassée. Il fait passer les autres traineaux qui sont stoppés derrière moi et me demande d’attendre ici, sans m’en dire davantage. Il part en trombe dans un nuage de neige. A peine 5 min plus tard, il est déjà de retour avec un nouveau traineau. On y attache les chiens, et c’est reparti. Les autres ont pris de l’avance, donc inutile de jouer avec le frein. Les chiens courent à une vitesse incroyable. Le traineau fait des bons sur chaque bosse. Il me faut m’accrocher pour ne pas tomber. Je m’amuse comme un gamin. Rapidement, je rattrape un retardataire. Il peine à monter une petit côte. Il aide ses chiens en poussant le traineau. De nouveau, je suis obligé de freiner. Une des consignes données par Thomas, est de ne pas dépasser. Örjan intervient pour lui ajouter un chien. Il me fait signe de passer devant. Je file maintenant à toute allure à la poursuite des 10 autres équipages. Nous nous rejoignons tous dans une clairière, au milieu d’un parc naturel magnifique. Il y a de nombreuses traces d’élans. Pourtant je n’en vois aucun. Je commence à être à l’aise sur ce traineau et arrive même à prendre des photos en avançant. A mi-parcours, nous faisons une pause. Je prends des photos des traineaux, des chiens… On se fait des photos les uns des autres. Plus tard à l’auberge, nous échangerons nos adresses mail. La pause est finie. Nous repartons. Les chiens commencent à fatiguer un peu. Ils vont moins vite. Je regarde le paysage, à la recherche d’élan. Mais je suis en queue de peloton, et les premiers traineaux les font fuir. D’un coup, je me fais dépasser par les chiens de tête de mon poursuivant. Je me retourne et vois son traineau… vide ! Je l’attrape d’une main et stoppe les 2 traineaux (oui je sais, je suis trop fort !). Je vois alors ce pauvre chinois arriver en courant derrière. Il était tombé. C’est reparti. Un peu plus loin, c’est une chinoise qui chavire dans un virage. Les chiens ne demandent pas leur reste, et continuent, dépassant les autres équipages. La petite femme n’arrive plus à courir. Je m’arrête à sa hauteur et lui propose de monter sur mon traineau. Je me tiens donc debout à l’arrière du traineau, et elle, est assise sur le siège à l’avant. Dans un fou rire, les chiens avancent rapidement. Örjan nous attendra un peu plus loin, ayant réussi à stopper le traineau fou. Et un deuxième chinois de sauvé. Reste plus que 999 999 998 pour avoir la légion d’honneur chinoise. Nous arrivons au chenil, détachons les chiens et les remettons dans les enclos. Il est 13h30, je suis épuisé ! Je rentre à l’auberge ravi de cette aventure. J’ai une pensée pour les “Erasmus” qui sont dans le train, et qui n’auront pas pu faire ça, puisque leur expédition qu’ils avaient finalement réussi à trouver a été annulée au dernier moment samedi matin. Je déjeune et vais faire une petite sieste. Vers 15h, le ciel est toujours très bas, le temps est gris, mais je décide l’aller “chasser” l’élan. Il faut bien manger ce soir ! Je pars dans les massifs derrière l’auberge. D’un coup, je vois deux énormes masses devant moi. Deux élans, aussi surpris que moi, et qui s’enfuient en faisant des bonds dans la neige épaisse. Je prépare mon appareil photo avec le zoom, puisque je comprends bien que je ne pourrais pas les approcher. Après 45 min de marche, la nuit tombante, je retrouve un élan non loin des habitations. Il n’a pas l’air farouche. J’approche prudemment et réussi à le photographier, malgré une faible lumière. Je verrai le résultat un fois rentré chez moi.
Thomas vient de passer, et nous dit que peut-être on aura droit à des aurores ce soir. Affaire à suivre. Je prévois donc de ressortir. Chaque sortie prend un temps fou. Il faut enfiler des couches de vêtements les unes sur les autres. Par ces températures, il me faut mettre un collant, un pantalon, un sur-pantalon, 2 paires de chaussettes, un maillot de corps, un sous-pull, un pull, la parka, les sous-gants et les moufles, l’écharpe, la cagoule, la casquette en polaire et la capuche de la parka ! Et voilà, avec ça, le vent peut souffler, je n’ai pas froid.
18h. « Northern lights ! ». Très sympa, Örjan fait le tour des chambres pour prévenir qu’il y a des aurores boréales. Je sors rapidement pour constater. Je suis déçu. C’est juste une trainée verte. Ceux qui viennent d’arriver et qui n’étaient pas là vendredi sont tout de même émerveillés. Je commence par aller dîner. Prendre une douche, et vers 21h, je pars près du lac. Le ciel s’illumine peu à peu. Il est étoilé mais il y a encore des nuages au loin. Et ce soir, les aurores ne sont pas à notre verticale, mais assez basses sur l’horizon, donc cachées par les nuages. En descendant près du lac, je suis un peu gêné dans mes mouvements : en rentrant de ma chasse à l’élan, j’ai oublié de mettre ma parka à sécher. Elle n’est pas Gore-Tex®, donc l’humidité générée par le corps n’est pas évacuée et reste entre deux épaisseurs. Ce soir, il fait -20°C. Cette humidité n’a pas mis bien longtemps pour geler et durcir la parka. Tout gèle à une vitesse incroyable ici, et je me suis fait surprendre à plusieurs reprises, notamment avec la bouteille d’eau dans mon sac. Ce matin, j’ai été privé d’eau pendant la balade en chiens de traineau car le bouchon était totalement collé. J’avais pourtant pris soin de mettre de l’eau chaude dans la bouteille. Mais rien n’y fait. Cela dit, j’aurai pu faire comme les chiens : manger de la neige. Je les ai vus faire. Donc ce soir, je me suis rendu au bord du lac, dans la pénombre, pour essayer de trouver un bon endroit pour faire des photos. J’ai eu droit à de jolis rideaux verts sur fond étoilé. Il doit y avoir 2 ou 3 photos intéressantes je pense. Après une heure assis dans la neige à observer le ciel, je vois les nuages gagner du terrain et me priver des jolies couleurs. Mes pouces commencent à ressentir le froid dans les moufles. Je range mes affaires et rentre à l’auberge.
En remontant, je remarque une nouvelle fois qu’en Scandinavie, les maisons n’ont pas de volets. Chaque fenêtre a une lumière, et des fleurs ou des petits objets de décoration sont posés sur le rebord à l’intérieur. En passant devant les maisons, je vois les gens cuisiner ou regarder la télévision dans le salon. Durant la nuit polaire, alors que tout semble être en pause à l’extérieur, ces lumières donnent un peu de vie. Bien que le soleil ait refait son apparition depuis quelques semaines maintenant ici, il fait nuit à 16h.
En arrivant, je trouve l’auberge quasiment vide. Tout le monde est sorti. Les mexicains sont là. On a beaucoup discuté ensemble dans la soirée. Il y a aussi 2 suisses qui sont arrivés hier, mais que j’ai à peine croisés ce soir. Quant aux autres, tous des chinois, qui restent entre eux, ne parlant que le chinois, nous excluant des conversations. Ils parlent pourtant anglais quand ils ont besoin d’information. Ils sont tous avec leurs appareils photos et tout le matériel de compétition qui va bien. Je n’avais jamais vu un pied d’appareil photo comme ça. Le problème, c’est qu’ils ne savent pas s’en servir. A mourir de rire : ils essaient de faire de clichés des aurores à main levée, avec le flash ! Mieux : ils s’extasient devant une aurore blanche. Dois-je leur dire que c’est la lumière de la lune à travers les nuages ? Il est maintenant tard. Je vais me coucher.
07 février
Au petit déjeuner ce matin, les aurores d’hier soir sont dans toutes les conversations. Il semble que j’ai manqué le bouquet final qui a eu lieu vers minuit. Beaucoup étaient déjà couchés, dont moi, mais les Suisses ont attendu. Ce qu’ils ont vu était apparemment court mais intense. Ils en parlent avec les yeux pétillants. Voir les aurores boréales est moment fort que chacun raconte avec émotion. Certains y voient une danse angevine, d’autres un ballet offert par les étoiles ou encore des messages envoyés depuis l’au-delà. Les scientifiques, quant à eux, ont des explications bien moins romantiques : tout part du soleil. Lors d’un orage solaire, notre belle étoile expulse dans l’espace des particules chargées en électricité. Ces particules, lorsqu’elles s’approchent des planètes, sont attirées par le magnétisme des pôles. En entrant dans l’atmosphère, elles s’embrasent et se colorent en fonction des gaz qu’elles rencontrent. Les aurores sont situées entre 80 et 150 km d’altitude.
C’est le jour du départ d’Abisko pour moi. J’ai un train pour Kiruna ce soir à 19h30. Enfin peut-être, car les horaires ici sont à titre indicatif. Une heure de retard (comme ce fût le cas à l’aller), ou même un train annulé, ça n’inquiète personne. Le minerai extrait des mines de Kiruna est expédié par rail. Les trains de marchandise sont prioritaires sur les trains de passagers J’ai donc fait mon sac. Tout est emballé. Mais d’ici là, j’ai la journée pour moi Je pars donc faire une rando pour la journée. Direction la Touriststation pour rejoindre un canyon. Une rivière qui a creusé son lit dans la roche et qui se jette dans le lac gelé. La rivière est partiellement gelée et il est très dangereux de s’aventurer dessus. L’épaisseur de la glace étant irrégulière et parfois fine. Il y a de très jolies couleurs. Je remonte à Touriststation pour déjeuner au restaurant panoramique. Excellent repas pour 80 Krs (moins de 10€). Le ventre plein, je pars pour une longue marche dans la Kungsleden, un circuit de randonnée bien balisé, qui longe un temps la rivière gelée. La Kungsleden est la “Piste royale” qui fait pas moins de 500 km. Je vais me contenter d’en faire une toute petite partie ! Je vois quelques élans et deux rennes qui fuient en me voyant. Je traverse une fois de plus ces étendues de bouleaux et autres immenses clairières. Le ciel est nuageux, mais la vue est belle et dégagée. On voit clairement la Porte de la Laponie, cet immense U naturel creusé dans la montagne. Je regagne l’auberge en prenant le sentier du chenil.
Il y a des moments comme celui que je viens de vivre en rentrant dans ma chambre, où l’on voit combien les voyages sont enrichissants : un petit mot m’attend sur mon sac. Rodrigo et Tania, les coloc mexicains me laissent quelques bons mots et me donnent leur adresse mail. Ils avaient un train de fin de matinée pour Kiruna. Nous nous sommes dis au revoir avant mon départ pour la Touriststation. Je suis vraiment fan de ces auberges de jeunesse où l’on rencontre beaucoup de monde de tous horizons. On partage des moments de vie, des aventures. On s’amuse, on rit. On s’échange des adresses mail, des photos. J’adore !
Après un dernier sauna qui ne m’aura pas permis de percer le secret de Grandpapa (je fais référence à une note laissée dans le livre d’or de l’auberge et qui a intrigué tout le monde), je me rends à la gare, située à seulement 150m. Incroyable : le train est à l’heure. Le contrôleur en personne ouvre la porte. Je traverse à pied la première voie et monte dans le deuxième wagon. En fait, le dernier wagon. Et oui, ce train est plutôt court : la motrice et deux wagons seulement. J’étais le seul à attendre dans cette gare fantôme. Il faut bien reconnaître que Abisko by night, ça ne bouge pas beaucoup. Comme j’avais pu le constater en Norvège l’été dernier, il n’y a pas de jeunes ici. Ou seulement des enfants. Pas de collège, et encore moins de lycée. Les ados vont probablement étudier à Kiruna qui est à 1h15 de train (quand ils sont à l’heure). Ils doivent donc être internes. Cela dit, ce week-end, je n’ai pas vu grand monde dans les rues. Je quitte donc Abisko avec beaucoup de regrets. Je m’y sentais bien. Avec quelques jours de plus, j’aurai su m’occuper encore.
Je rentre avec des kilomètres de marche dans la neige sur la glace. Comme vendredi, j’ai marché pendant 5 heures aujourd’hui. Ce soir j’ai les yeux cernés. Je me souviens des mots de cette dame de Tours, rencontrée en Norvège : “on ne vient pas dans ces régions pour se reposer”. Ou alors il faut y rester longtemps et prendre le temps. Tout est tellement beau, qu’il faut en profiter. J’arrive à Kiruna avec 15 minutes d’avance. Qui a dit que les trains sont toujours en retard dans le nord ? C’est en voyant le contrôleur dételer les wagons de la motrice, que je me rends compte que j’étais seul à bord du train, et que le contrôleur était aussi le conducteur. C’est pas le grand luxe ça ? Un train pour moi tout seul !
Annette et Pascal viennent me chercher. On passe à l’auberge de jeunesse où je récupère ma clé et dépose mes affaires. C’est une chambre individuelle à la déco un peu passée. Nous nous rendons ensuite à Kurravaara, à quelques kilomètres de Kiruna, pour essayer d’y voir des aurores. Mais le ciel ne veut pas me faire ce cadeau pour ma dernière nuit polaire. Nous visitons les environs. Même de nuit, tout est beau. Dans les phares de la voiture, nous voyons les arbres chargés de neige. Tout est blanc. Il fait -22°C. Nous arrivons au bord d’un fleuve sur lequel une route a été tracée et déneigée. Une voiture s’y engage sans même ralentir. Je suis scotché ! Pascal me précise que la glace a 1,20m d’épaisseur minimum. Nous allons donc, sans crainte, faire quelques pas, en ayant les yeux rivés sur le ciel, au cas où une aurore ferait son apparition. Malheureusement, rien ne viendra.
La soirée se continuera autour d’un bon thé et d’un gâteau, spécialité suédoise (non, pas des Wasa ni des Krisprolls). Annette déplie une carte de Scandinavie usée comme je les aime. Je trouve qu’une carte usée d’avoir été tant et tant dépliée, est chargée de souvenirs. Nous faisons alors le tour de ces régions polaires qu’ils connaissent si bien. La soirée se terminera tard dans la nuit. Nuit décidément noire. Mais quelle bonne soirée !
08 février
Réveil de bonne heure. Malgré que je me sois couché tard, je veux profiter de mes dernières heures polaires et visiter Kiruna. Il fait -18°C au thermomètre de l’auberge. Il neige à gros flocon. Je me couvre comme j’en ai désormais pris l’habitude et je pars découvrir la ville. Tout est beau. Je fais des photos à en perdre le chemin qu’Annette m’avait indiqué pour me rendre à l’office du tourisme. Je demande à une dame qui ne parle pas anglais, mais elle comprend tout de même ce que je cherche. Et plutôt qu’un long discours, elle me prend par le bras et me conduit d’un pas assuré sur la place où se trouve l’office. Finalement, pas besoin de prendre le bus pour me rendre à l’aéroport : Pascal m’appelle et me propose de m’y conduire. Génial, nous passerons encore du temps tous les trois. Dans le petit aéroport, la dame suisse qui a fait un passage éclair à l’AJ d’Abisko, est là et vient me saluer. Nous prenons le même avion pour Stockholm. Elle était arrivée avec son fils, qui, lui, a pris la direction de la Finlande ce matin-même. C’est donc le cœur serré que je quitte Annette et Pascal. Nous avons réussi à partager plein de choses en si peu de temps. Ce sont des gens vraiment charmants et très généreux. Merci encore pour ces bons moments. Nous nous promettons de rester en contact.
Je fais mes derniers pas dans cette neige Lapone pour rejoindre mon avion. Dans quelques minutes, je repasserai le cercle polaire en direction de la capitale suédoise que j’affectionne beaucoup.
Et une fois de plus, je me trompe de direction en sortant du bus qui fait la navette entre l’aéroport et le centre ville. Il me faut 10 minutes de marche avec mes sacs à dos pour m’en rendre compte. A moins qu’ils n’aient déplacé les 8 millions de briques qui constituent l’hôtel de ville, je suis à l’opposé de mon point de chute. Amusé de m’être encore trompé ici, je regagne, plan à la main, mon auberge de jeunesse. Ouh là ! C’est beaucoup moins sympa qu’Abisko. C’est l’usine ici. Beaucoup de monde, de grands couloirs. Des digicodes aux portes, alors qu’à Abisko les portes des chambres ne fermaient même pas à clé. C’est loin d’être aussi convivial. Tant pis, ce n’est que pour une nuit. Je pose mes affaires et vais trainer en ville. Je retrouve les quartiers que j’aime bien : Hötorget, TCentralen, la place où il y a l’horloge avec la date, Gamla Stan la vieille ville derrière le palais royal. Je fais quelques photos de nuit, et vais dîner vers 18h sur un comptoir que je connais dans le centre commercial. Ah tiens, si l’hôtel de ville n’a pas bougé, l’Office du tourisme n’est plus à sa place. Je suis entré d’un pas décidé dans le bâtiment que nous avions fréquenté quotidiennement avec Guillaume, en 2009. Et je me suis retrouvé au milieu d’objets déco. En effet, l’enseigne a changé. Du coup, je ne sais pas où a été transférée l’office.
09 février
Après une bonne nuit, il me reste encore quelques heures pour profiter de Stockholm. Il neige. Il est particulièrement difficile de tenir debout. Les trottoirs sont complètement verglacés. Ils ont été gravillonnés, mais cette petite neige les recouvre et gèle. Je rejoins l’aéroport par bus et prend mon avion pour Munich. Un second vol pour Marseille suivra.
Un voyage riche en rencontres
- les étudiants Erasmus de Borås dont j’ai apprécié la gentillesse et les discussions.
- Rodrigo et Tania, de Mexico City, avec qui nous avons échangé photos et récits de randonnées.
- quelques voyageurs chinois avec qui je suis allé faire des photos le soir
- les 6 étudiants espagnols qui ont joué le jeu de parler anglais pour que je puisse faire partie des conversations.
- et bien sûr, Annette et Pascal à qui j’adresse tous mes bons sentiments et toute ma sympathie pour ces moments extraordinaires. Une rencontre franco-française en Laponie. J’espère de tout cœur que leur projet verra le jour rapidement et sera couronné de succès afin que les francophones puissent découvrir cette belle région du monde qui leur est si chère.
Le froid
Séjourner dans les régions polaires demande une préparation et une bonne organisation pour qui souhaite passer du temps dehors. J’ai, par exemple, rencontré quelques soucis :
– la bouteille d’eau qui gèle dans le sac à dos, pourtant indispensable par ce temps très sec. J’avais pourtant essayé de trouver une parade en partant avec de l’eau chaude, mais par -20°C, le bouchon était complètement collé.
– l’appareil photo : il ne craint pas le froid. Mais pour prendre une photo, il me fallait arrêter de respirer car la buée se transformait instantanément en givre sur l’écran et sur le viseur. De la même manière, si de la neige recouvrait parfois l’appareil pendu à mon cou, les franges de mon écharpe étaient la seule solution pour le nettoyer. Ne surtout pas souffler dessus. Au retour à l’auberge, l’appareil devait être placé dans un sac à congélation (à fermeture par zip) dont je faisais le vide d’air en aspirant avant de fermer. Ainsi, aucune humidité ne se faisait à l’intérieur du sac, protégeant l’appareil.
– les vêtements : ma parka, bien que très chaude, n’est pas totalement adaptée à ces températures très négatives. L’humidité n’étant pas évacuée, elle gelait. Elle devenait alors rigide, gênant les mouvements. Mes chaussures de marche ne sont pas totalement étanches. En fin de journée, elles étaient mouillées. Je n’ai toutefois jamais eu froid aux pieds grâce à mes deux paires de chaussettes très adaptées.
Chaque sortie est une longue préparation. Enfiler tous ces vêtements me prenait presque 10 minutes à chaque fois.
C’est curieux comme le corps s’habitue au froid : -21°C, je suis couvert de la tête aux pieds quand je commence ma rando. Un moment j’enlève la cagoule, puis les moufles, ne gardant que les sous-gants. Il ne faisait plus que -17°C. Je me suis amusé d’une réflexion que je me suis faite : “tiens, ça se réchauffe”. La température relevée durant mon séjour allait de -15°C à -22°C. J’ai noté une température ressentie (anémomètre à l’appui) de -32,5°C durant la traversée du lac, avec une pointe à -38°C.
Conclusion
C’est la quatrième fois que je me rends en Scandinavie. La seconde fois en région subpolaire. Et quel bonheur ! Je suis à chaque fois fasciné par le paysage, par le mode de vie des habitants.
Ce voyage fût une nouvelle fois une rencontre avec la nature, les animaux et les hommes. Je n’ai pas parlé du manque de lumière au cours de mon aventure. Abisko, situé à seulement 2 degrés au-dessus du cercle polaire, connaît une courte période de nuit polaire. Il faut reconnaître que voir la nuit arriver à 16h, début février, c’est assez perturbant lorsqu’on arrive du sud de la France, qui jouit d’un ensoleillement d’au moins 2 heures de plus. Pour autant, la vie ne s’arrête pas. Il faut bien reconnaître qu’il n’y a pas foule dans les rues de ce petit village le soir, mais on croise quand même des gens qui sortent les chiens, ou qui vont faire leurs courses au petit supermarché. Les déplacements se font en voiture, en motoneige, en ski de fond. J’ai été amusé de voir un papa emmener ses bambins à l’école en traineau (tiré par lui-même). A Kiruna, j’ai vu des gens marcher avec des bâtons, ou des patinettes à neige (très jolies d’ailleurs). L’été dernier en Norvège, j’ai connu les nuits blanches et vu le soleil de minuit. J’ai vu des paysages de toundra, étendues lunaires. Cet hiver, j’ai vu les aurores boréales, les élans, la neige, la glace et le froid. Je rêve de pouvoir séjourner une année entière dans ces régions polaires, et voir un cycle complet de saisons, et voir l’influence de ces conditions particulièrement hostiles sur les hommes et les animaux. L’aventure continuera, c’est sûr !